Catégories
Madagascar

Madagascar: 2013

69 ans en 2013. Et toujours disponible pour des missions éxotiques.

Je suis à Tahiti depuis un moment, mais toujours à la recherche d’un emploi. Comme je ne trouve pas sur place ce que je cherche, et que j’ai décidé d’arrêter de boire, il faut vraiment que je trouve à m’occuper. Confusément je garde la conviction que j’ai encore une chance de retourner travailler en Afrique. Et donc je consulte tous les matins mes mails. Finalement un beau matin je tombe sur un mail de Créolia, un bureau d’études aux Maldives, qui me propose une mission à Madagascar pour le compte de Deloitte, réviseur d’entreprise, bureau d’audit belge bien connu. Il s’agit précisément d’effectuer un audit à la fin d’un projet d’alimentation en eau potable de 50 villages, financé par l’U.E. 
Je suis très intéressé, la mission est courte mais je serai content de revenir à Madagascar, un pays qui me plaît bien et où je suis déjà allé à deux reprises: à partir de Mayotte, puis plus récemment du Maroc. Mon CV est accepté, je signe et retourne le contrat par mail et mon départ et mon séjour s’organisent. Mon frère Pascal accepte volontiers de m’aider et m’ envoie 1500 euros pour couvrir mes frais de début de mission. Un employé de Deloitte me téléphone, car il vient de réaliser que je vis à Tahiti, alors qu’il pensait que j’étais à Paris. Le billet d’avion AR dépasse donc ce qu’il avait, à tort, prévu. Mais finalement on me prend un Papeete-Madagascar AR. Je vais donc faire l’équivalent en miles du tour du monde, ce qui prendra 4 jours de voyage, pour passer une semaine seulement à Mada, dont 2 jours de route pour se rendre sur le site. Soit finalement trois jours d’audit dans 5 ou 6 villages. 

Comme d’habitude à l’embarquement à l’aéroport de Tahiti-Faaa, un mic-mac se produit: arrivé parmi les premiers à l’enregistrement, j’enregistre ma valise en carton (de chez Vuitton) et je prends ma carte d’embarquement. Puis je vais faire un tour. A mon retour, pour être admis dans la salle d’attente je présente ma carte à une hôtesse, qui me demande de retourner au desk enregistrement, où on va m’en remettre une nouvelle. Pourquoi? le chef du desk me parle d’un changement de place. Entré dans la carlingue, je m’assieds donc, près du hublot, à cette nouvelle place. Peu après, « bonjour, bonjour », une femme de 30 ans occupe le siège à coté du mien. Après le décollage, nous engageons la conversation. Entre Tahiti et Los Angeles, le voyage dure 8 heures. Assez rapidement nous échangeons sur nos activités en Polynésie Française. Je parle de moi… « Et vous même, chère madame? ». Elle me dit avoir travaillé pendant 15 ans sur des yatchs, pour des croisières dans les îles….

« Ç’est très intéressant. Quel beau métier. Avez-vous rencontré Bernard Moitessier. Son bateau  » Joshua » était ancré au quai, à côté de la jonque ».
« Bernard comment? Moitessier? »
« Tous les voileux connaissent au moins son nom. Ainsi vous êtes dans la voile depuis 15 ans et vous n’avez jamais au moins entendu son nom. Comme c’est étrange.. »
« Oui, 15 ans dans la voile, mais comme cuisinière-hôtesse, c’est pas pareil ».
« Bon admettons, OK, je comprends ».
« Alors et vous, quelle est votre destination? »
« Paris puis Madagascar, chère Madame »

Voilà, elle a appris ce qu’elle voulait savoir. Et pendant que nous discutons, je remarque du coin de l’oeil un gars sur un siège de l’autre coté de l’allée, donc très proche, qui concentré nous écoute très attentivement.
Quant à elle, elle s’arrête à Los Angeles.
Et avant de descendre elle me repose la question, en guise de confirmation: « Alors vous allez bien jusqu’à Madagascar? ».

Puis sur le vol LAX- CDG, c’est un peu la même histoire qui se répète. Sous un prétexte futile, une hôtesse m’invite à changer de siège, et je me retrouve à coté d’une africaine, très gentille. Elle engage la conversation qui tourne rapidement sur l’Afrique. Alors je lui parle de moi, j’adore toujours ça… Au bout d’un moment elle me demande d’une voie très douce, trop douce pour être honnête « Monsieur Xavier, est ce que vous avez travaillé au Tchad, dans mon pays? ». Toutes ces questions que l’on me pose, ça finit par ressembler à du repérage. Surtout qu’elle, étant tchadienne, pourra en me faisant parler de son pays, confirmer que j’y suis bien allé, ce qui fera plaisir à l’Organisation, toujours sur le qui-vive lorsque je voyage. Il ne s’agit pas de me perdre en route…
Puis c’est l’arrivée à Paris, juste pour quelques heures, où Francine, ma bien chère tante est venue pour le plaisir de me voir et pour me remettre la somme de 1500 euros qui me sert de couverture en cas de pépin, et que mon frère Pascal lui a fait parvenir par Western Union. Francine m’invite à manger chez elle, c’est toujours délicieux, et l’occasion de déguster des fruits et légumes que l’on ne trouve pas à Tahiti. C’est la saison des cerises, alors j’en profite pour me régaler. Avant de me raccompagner à l’aéroport Francine me remets 1000 euros de plus pour me mettre à l’aise à Mada.

Bon, il est 10 h du soir lorsque je monte sur la passerelle, et à peine franchie la porte mon regard tombe sur une ravissante jeune femme malagashie assise contre le hublot au premier rang. Alors que je la salue d’un sourire, quelle chance, elle m’invite à prendre place à ses cotés. Je ne me souviens plus de quoi nous avons parlé sinon de moi et puis elle me parle d’elle:  Elle est chanteuse, célèbre dans son île (une grande île), et s’apprête à entamer une tournée dans les villes principales. Elle m’offre un CDrom de ses compositions, et je lui propose qu’on se retrouve à Tananarive, la capitale, mais malheureusement ce ne sera pas possible, à cause de sa tournée, et et de mon programme; après-demain je pars en reconnaissance dans des villages du coté de Ifanadiana.

Et puis je lui parle du problème de mon passeport: je n’ai pas eu le temps d’obtenir un visa et je ne suis donc pas en règle. Toutefois j’ai une note verbale de l’ambassadeur de Mada en France.

Pas de problème pour elle. Elle me propose de lui remettre mon passeport, son ami qui vient la chercher va s’occuper de tout, j’aurai mon visa sur place et ça ne me coutera rien, je ne paierai pas la taxe. De plus il et elle seront ravis de me rendre service en me déposant à mon hôtel.

Neuf heures de vol, tout de même, mais nous voilà à Tananarive, au milieu de la nuit. Tout se passe comme prévu, son ami est efficace, il connait les douaniers, mais elle aussi connait beaucoup de monde, c’est une vedette nationale! et c’est donc dans cette excellente compagnie que j’approche de l’hôtel Colbert où l’on m’attend malgré l’heure tardive. Je prends congé de ma chanteuse et de son ami, et je vais me coucher car demain j’ai rendez vous à la Délégation de l’UE.

Il se passe tout de même quelque chose de bizarre avant mon sommeil. Je dois redescendre à la réception, mais je me perds dans cet hôtel. Je erre à droite et à gauche et finalement j’aboutis à une porte qui donne sur la rue. A ce moment un des gardes m’apostrophe, pas aimable du tout « Que faites-vous ici dans la rue ? Qu’est-ce que vous cherchez? ».  Il me donne l’impression de penser que je voulais me faire la malle en douce. Puis il m’intime de remonter dans ma chambre, ce que je suis bien incapable de faire, tant cet hôtel est un vrai labyrinthe.
Alors il me raccompagne et me dit de ne plus sortir de ma chambre jusqu’à demain!

hotel Colbert

,Le lendemain, au cours de la réunion à la Délégation, je fais connaissance de la Déléguée, bien sûr, et aussi de l’expert technique M. Andrianomenjanahary Raharison, qui va m’accompagner sur le terrain. Notre mission est d’aller auditer quelques maires des villages faisant parti du projet PAMOLEA dont nous devons vérifier la bonne exécution et qui vise à alimenter en eau potable une cinquantaine de villages dans plusieurs districts.
Et voici en gros les résultats de notre audit : 
Des réseaux simplifiés de distribution d’eau ont été retenus car il y a dans ces zones montagneuses  beaucoup de sources d’eau de bonne qualité. L’eau des sources situées en altitude s’écoulera directement dans les canalisations conduisant au village, jusqu’à des bornes fontaines judicieusement disposées dans les quartiers. 
Pendant la saison sèche, l’eau des sources est claire, et une simple chloration suffit à la rendre consommable. Mais pendant la saison des pluies elle est couleur chocolat et ne peut être distribuée telle qu’elle. On a donc prévu des stations de traitement, qui potabilisent les eaux troubles. Ces stations s’appellent « bloc de clarification ».

Des latrines améliorées ont été construites dans chaque village. Des équipes sont chargées de l’entretien, et les gens sont formés à leur utilisation en toute propreté. De petits réseaux d’assainissement sont créés pour évacuer les eaux usées dans des lieux adéquats. Il s’agit de préserver la propreté dans et autour des latrines pour la protection des individus contre les maladies. Quant aux captages des sources, ils sont situés en altitude et donc hors d’atteinte des pollutions transportées en général par les eaux de ruissellement. Le projet PAMOLEA  a donc permis une progression vers une meilleure santé publique, confirmée du reste par les enquêtes épidémiologiques. Les Communes se sont engagées à assainir le pourtour des bornes fontaines, et à embellir le site. Engagement hélas resté sans effet par manque d’argent. Les bornes fontaines, situées à quelques dizaines de mètres des habitations, offrent un service de proximité; les femmes sont les principales concernées par les corvées de d’eau, leur tâche quotidienne est allégée. La règlementation d’ouverture des bornes a été adaptée à leur convenance, avec un temps de puisage relativement court et sans file d’attente. D’après les bénéficiaires il suffit d’une demi-heure pour qu’une borne puisse approvisionner tous les usagers d’un quartier. Ainsi, la consommation a-t-elle progressivement augmenté au profit des populations. Cet accès plus facile à l’eau potable, évite aux femmes, fatigue et  perte de temps. Le temps gagné sur la corvée de l’eau – au moins 2 heures par jour – accroît la disponibilité des femmes et des enfants pour les travaux productifs, les activités génératrices de revenus et les activités scolaires. Des formations « Eau – Santé – Hygiène » ont également été dispensées dans le cadre du Projet, générant une prise de conscience du lien eau-santé, et de meilleures pratiques d’hygiène qui induisent en général une réduction des maladies diarrhéiques. 


Une ONG opérateur de développement à Madagascar depuis 1997:

https://www.transmad.org

Et voilà, à télécharger, le rapport de l’audit technique qui explique comment s’est passé notre mission et développe toute la problématique sociale de l’exploitation et la gestion des installations d’alimentation en eau potable des villages en Afrique (et ailleurs).

Puis, notre conversation s’étire, nous dînons, nous dormons et nous arrivons à LAX. Et là, avant de descendre elle me demande en guise de confirmation: « Alors finalement vous allez bien jusqu’à Madagascar? C’est ç? »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *