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Niamey-Tombouctou

Sur You tube: L’aziza Balavoine paroles

Petite fille de Casbah au milieu de Casa
Petite brune enroulée d’un drap court autour de moi
Ses yeux remplis de pourquoi cherchent une réponse en moi
Elle veut vraiment que rien ne soit sûr dans tout ce qu’elle croit


“Ta couleur et tes mots tout me va
Que tu vives ici ou là-bas
Danse avec moi
Si tu crois que ta vie est là
Ce n’est pas un problème pour moi
L’Aziza


Je te veux si tu veux de moi
Et quand tu marches le soir ne tremble pas
Laisse glisser les mauvais regards qui pèsent sur toi
L’Aziza, ton étoile jaune c’est ta peau, tu n’as pas le choix
Ne la porte pas comme on porte un fardeau, ta force c’est ton droit
Ta couleur et tes mots tout me va

Que tu vives ici ou là-bas
Danse avec moi
Si tu crois que ta vie est là
Ce n’est pas un problème pour moi
L’Aziza
Je te veux si tu veux de moi
L’Aziza
Ta couleur tes mots tout me va
Danse avec moi
Que tu vives ici ou là-bas
Ce n’est pas un problème pour moi
L’Aziza
Je te veux si tu veux de moi
L’Aziza
Si tu crois que ta vie est là
Il n’y a pas de loi contre ça
L’Aziza“


Fille enfant du prophète roi
Ta couleur et tes mots tout me va
Que tu vives ici ou là-bas
Danse avec moi
Si tu crois que ta vie est là
Ce n’est pas un problème pour moi
L’Aziza
Je te veux si tu veux de moi

Je suis en vacances au Niger. J’ai une maison qui me plait bien, une moto qui roule, un bateau à voile, de l’argent dans la malette et ma femme nigérienne Bintou, « que j’aime, qui m’aime, qui n’est jamais ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, qui m’aime et me comprend ». Une vie de rêve….Un rêve! Etrange et pénétrant!

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Tout va bien, le bateau flotte: à midi repas à la maison, le soir restau à la Cascade, et un petit tour à la Corniche, puis au night.

Hobie Cat
J’ai fait venir de France, par conteneur mon hobie cat 14  » et je compte bien m’en servir maintenant à Niamey, comme à Bamako, ces derniers mois.
L’après midi, je vais souvent au club nautique faire des ronds dans l’eau du fleuve. Jusqu’au jour où je m’aperçois que je peux remonter le courant, par vent arrière lorsque la brise est soutenue. Ce dimanche, je pousse l’exercice jusquà apercevoir, au détour d’un méandre, le seul pont à Niamey qui franchisse le Niger. Il est donc très fréquenté et quelques piétons finissent par apercevoir le hobie-cat. C’est inédit et les gens approchent et s’agglutinent au bastingage. Je décide, pour le spectacle et pour le plaisir, de passer sous le tablier du pont, toujours par vent arrière et à contre courant pour virer autour du pilier central puis me laisser porter par le courant pour retourner au club nautique.
Sous les yeux ébahis des spectateurs de plus en plus nombreux (de mémoire d’homme on n’a jamais vu un bateau à voile sous le pont) je progresse en louvoyant un peu et je gagne les derniers mètres, contre le courant, centimètre par centimètre sous les encouragements de la foule  » allez le toubab, allez! »
Mais le mât passera-t-il sous le pont? Tout le monde, et moi aussi se pose la question. Passera? Passera pas ? En tous cas, pour moi, ça passe ou ça casse!
Et bingo! C’est gagné ça passe! Immédiatement sur le pont tout le monde change de trottoir, et les applaudissements redoublent, accompagnés d’exclamations joyeuses.
Le hobie-cat pointe le nez de l’autre coté. C’est le délire!
Il ne me reste plus qu’à négocier rapidement le virage autour du pilier, de justesse car le courant menace de me drosser dessus, ..encore une fois, ça passe ou ça casse!

Tout le monde retraverse la largeur du pont
et retient son souffle, se demandant si je vais réapparaître de dessous le pont?

Et ça passe! Je réapparais en sens inverse!

Hourrah! Applaudissements, enthousiasme, rires et soulagements: « le toubab a gagné sa lutte contre le courant! »
Avant de m’éloigner je fais des grands gestes de ma main libre, auxquels chacun répond…
Avec un peu d’attention, rentrer au club nautique poussé par le courant se révèle facile; je gare le bateau, enfourche la Ténéré 600 et rentre à la maison.
Décidément, c’est un bien bel après midi.

Niamey-Nara
Marco est au Niger! Nous nous étions quittés deux ans auparavant à Nouahdibou et le voilà qui arrive par surprise à Niamey!
De retour de Madagascar, où il vient d’effectuer un trip à moto, en solitaire…et le voilà de retour maintenant, ici et maintenant, à la Cascade! Il est venu pour le plaisir, bien sûr, d’y retrouver ses amis du Niger, et une gazelle à la main, devant les copains médusés, il nous explique son projet: rejoindre, à moto, le rallye Paris-Dakar, qui fera étape demain soir à Nara. Pour après demain, participer, à la mythique étape, Nara-Tombouctou. J’adhère tout de suite à son projet, qui surgit à point, pour pimenter mon oisiveté vacancière. Car, pour y avoir travaillé récemment, Tombouctou, je connais! Du reste, j’ai déjà roulé plusieurs fois la meilleure partie de l’étape, à savoir le tronçon Douentza -Tombouctou: du sable, rien que du sable, et toujours du sable, sans un seul village, sur une centaine de kilomètres. Un rêve de motard!
Mais pour un tel « sand trip », il est prudent de prévoir une assistance par un 4×4.
No problem, Marco informe que nous serons accompagné par une petite Suzuki, 4×4, pilotée par un ami rencontré ce matin même, qui adhère à notre tandem. Et derechef, il nous présente ses deux nouveaux copains, Jules et Jim ravis de l’aubaine qui les emmène sans problème, dans la cité mythique.
Voilà le sens de la vie de Marco: bouger et remplir le quotidien des gens qu’il affectionne. Faire un bout de chemin ensemble, élargir leur champ des possibles, et ainsi finalement les libérer des carcans, pour leurs faire vivre plus intensément leur vie.
YOU CAN! YES YOU CAN!

Cependant, en aparté, avec moi même, je réalise que je suis partant, certes, mais je redoute un peu le retour au Mali pour l’avoir quitté précipitemment il y un mois seulement! J’ai carrément la trouille que l’Organisation n’en profite pour me faire coffrer.
Mais,…une tournée générale de gazelles (la bière, pas les copines!)…et les tracas s’envolent!
L’attraction de Tombouctou, et le désir de bouger, m’incline sans ambiguité à m’impliquer dans ce nouveau trip.
Le plan est clair, nous devons être à Nara demain soir pour y rejoindre l’étape du Paris Dakar! Nous partirons donc demain à l’aube, en prévoyant d’arriver à Nara, ville frontière entre le Niger et le Mali, avant la tombée de la nuit.
Jean Pierre très coopératif nous offrira le petit déjeuner demain matin, à 06h.
Les buveurs pensifs autour du comptoir, , posent sur Marco, un regard surpris, et je pense empreint d’estime, car loin de l’esbroufe habituelle des nouveaux venus, il vient en quelques minutes de monter une « performance », à laquelle ils aurraient bien aimé participer avec nous. Mais, pour eux ce n’est pas possible: le boulot, la famille, les responsabilités…etc. Mais moi qui connaît Marco depuis des années, je leur pose mentalement la question: est-ce vraiment impossible?
YOU CAN! YES YOU CAN!

Pour aller à Nema, nous devons parcourir, sur environ deux cents kilomètres la vallée des serpents, sur une piste aisément praticable, le long de laquelle les villages succèdent aux villages.
Dans chaque village, une pancarte « Coca Cola ».
Nous roulons au milieu d’un paysage de champs de mil, proches de la maturité, où le vert tendre de la saison des pluies, vire progressivement à l’ocre jaune, annonçant une récolte prochaine.
Ce mélange de couleurs, sous le bleu limpide du ciel, qui maintenant s’est dégagé des dernières pluies, nous impressionne, si bien que nous stoppons pour rester un moment, immobiles et muets dans un moment de contemplation silencieuse…
On en profite aussi, pour aller pisser dans les bosquets. Puis nous enjambons nos selles!
En poursuivant la remontée de la Vallée des Serpents, les villages se font plus rares, la piste rétrécit, la pente augmente et des passages durs, succédant à la souplesse sableuse, marquent l’approche d’un plateau rocheux.
Nous sommes obligés de réduire la vitesse, et d’être beaucoup plus attentifs. La fatigue et la faim, commencent à se faire ressentir. Notre repas, pris sur le pouce, se limitera à une barre d’énergie.
Et finalement après ces heures de pistes difficiles, nous émergeons des derniers kilomètres escarpés sur le plateau horizontal, plat et sans obstacle. La piste redevient route et nous ouvrons à fond.
Un peu plus loin un panneau indicateur: Nara 80 km. Dans mon esprit, ça signifie encore deux heures de moto. Nous roulons seuls sur le plateau pendant une heure; Mais, attention quand même, rouler vite sur les pistes carrossables, demande de l’attention: à cause de la divagation animale (classée 7ème fléau au Burkina Faso). Mais ici nous sommes en plein désert, il n’y a pas d’animaux, alors?

Du reste il n’y a pas non plus »de piste », car sur ces plateaux rocheux, tout étant plat, horizontal et sans obstacle, à moto ou en 4×4 on peut passer à droite autant qu’à gauche, ou au milieu. Pour preuve, les traces de pneus qui divergent, dès l’attaque du plateau; et qui convergeront à nouveau à l’approche de la sortie.

Alors, en plein désert lorsque vous apercevez dans le lointain un gros cailloux, ou la crête d’un rocher semi-enfoui qui dépasse du sol, vous pensez qu’il n’y a pas de problème, car vous avez largement la place pour passer. Vous pouvez même choisir: à droite, ou à gauche?
Eh bien, paradoxalement il y a toutes les chances que vous passiez au milieu, c.a.d. finalement dessus! Ça m’est arrivé, à moto, sur un plateau du Burkina Faso de retour de Tombouctou.
Je suis passé justement sur la crête d’un rocher semi-enfoui qui dépassait du sol. Incroyable, mais vrai ! J’ai même voilé la jante de la roue avant. Heureusement que Sido était devant avec mon 4×4 Toyota Hilux, sur lequel on a pu charger la moto et moi continuer la route.
Il paraît que le même phénomène (cognitif?) peut avoir lieu entre deux bateaux qui suivent des directions opposées, en faisant cap l’un vers l’autre, et ceci en plein large, loin de tout écueil, dans l’océan. Par inattention confiante, les deux embarcations pourraient entrer en collision.
Les navigateurs expérimentés le savent et se méfient.

Nara
Nara, l’escale de ce soir est encore à 40 km. C’est ce que je pensais en entrant dans le premier village que nous rencontrons, après une heure roulée assez vite, sur le plateau. Alors ici, surprise, surprise: un bon signe dès l’entrée, sur le mur d’en face en gros caractères blancs peints à la bombe:
BIÈRES ×××××), – c’est une flèche -.
Allons y, droit devant. A une centaine de mètres, nous nous arrêtons pour entrer dans d’un de ces petits hôtels de brousse, où l’on peut manger et dormir pour une poignée de figues. Mais nous ce qu’on veut c’est juste une ou deux bières fraîches pour chacun, et reprendre la route sans perdre de temps pour arriver à Nara, avant la nuit. Il nous reste encore une heure de route.
Le patron de l’hotel:
« A Nara…mais Wallaye !, vous y êtes à Nara, vraiment! » et il se fend la pipe!
Moi: « c’est une blague, il reste encore 40 km. »
« Non, vraiment, je vous dis, Nara, Wallaye! Vous y êtes ».
On a failli l’embrasser, Wallaye, vraiment! cest moi qui vous le dit.
« OK, 12 BIÈRES SVP ». Et on s’installe dans les fauteuils en ficelle plastique.
Voilà 10 minutes que nous discutons Gilles et moi; Marco parti aux infos sur le Paris-Dakar, lorsqu’ un miracle se produit, sous nos yeux ébahis: la porte de la case, en face de nous, s’ouvre et laisse apparaître….la Vierge Noire; drapée d’un linge blanc immaculé, le visage souriant avec bienveillance elle avance parallèle à elle même, semblant flotter dans ses savates à quelques centimètres au dessus du sol.
Elle semble toute fraîche et sent bon, à distance, le savon de Marseille. La voilà qui s’approche de nous, rayonnante de calme et de sagesse, et de sa voix moelleuse, jaillit le premier des dix commandements:
 » Garçon, une bière! « 
Puis elle nous invite à l’acceuillir dans notre cercle, alors que Marc nous rejoint. Elle s’appelle « Mama ».
Ne voulant pas être de reste, je fais signe au garçon que sa bière, est à mettre sur mon compte. Je marque ainsi des points par rapport à Marco, et Gilles qui dorment debout, quoique assis.
« On dirait de la mécanique quantique: ils sont assis et debout à la fois. Mais ce soir, l’intrication, autre propriété des électrons libres, ne semble pas être leur fort ».
Puis je commande une tournée supplémentaire pour réveiller tout le monde. Et, enfin, on nous apporte des brochettes de zébus, assaisonnées au piment rouge et au gingenbre. C’est un peu fort, mais c’est délicieux.
La Vierge Noire, moi même, et mes compagnons mangeons et buvons à plus faim, à plus soif. Après le repas, ceux-ci restent dans l’espoir de l’arrivée probable de quelques vestales. Dans l’attente, ils se roulent un joint, se le passent et le repassent et commencent tout doucement à délirer.
Pour ma part, n’adhérant pas à ce système je me contente d’un verre de rosé.
Personne ne venant, après une dernière tournée, Jules et Jim se lèvent, prennent congé et se retirent dans leur chambre. Une seule chambre pour trois!
Je demande alors au garçon de retenir une chambre pour moi, tout seul.
Il marque une hésitation. « Dis donc, c’est quoi? T’as une chambre, ou t’en as pas? »
« Oui patron, y a une chambre, mais.. »
« Y a pas de mais, réserve moi cette chambre! « . « Ok patron! ».
Je reste seul avec Marco, qui voyant mon intérêt se porter sur Mama, me déclare, contre toute attente, qu’il va se coucher. Un moment à marquer d’une pierre blanche, car Marco, chef de la bande, n’a guère l’habitude de céder son droit de cuissage.
Débandade chez le chef de la bande?
Je reste seul avec Mama, et l’invite avec délicatesse à m’accompagner dans ma chambre. Nous suivons le garçon qui nous ouvre une porte, nous souhaite une bonne nuit et prend la poudre d’escampette. Pénétrant le premier dans notre chambre je constate immédiatement une anomalie: il n’y a pas de matelas sur le sommier du lit! Je bondis après le garçon et lui demande de ramener immédiatement un matelas. Et tombe la sentence: » mais patron, je voulais vous le dire tout à l’heure, mais vous m’avez pas laissé le temps! il n’y a plus de matelas dans l’ hôtel ».
« Alors donne nous une autre chambre! »
 » Mais patron, c’est la dernière. Y en a pas d’autres ».
Bon, ben me voilà bien embêté, je demande à ma Vierge Noire, si on peut aller « dormir » dans sa case.  » non, c’est pas possible y a déjà ma mère, ma petite fille et mon grand frère qui dorment dedans.Wallaye! »
« Si on y va, ça va les réveiller. Ashouma! Wallaye!
« Ça fait honte ».
Bon, il faut se résoudre à voir comment faire pour dormir à deux sur un sommier sans matelas. Je ne sais pas si vous avez déjà essayé: c’est un vrai désastre ! J’essaye le premier, un pied passe à travers, les fers rentrent dans mes fesses et mes côtes…etc..ça marche pas.
J’essaye de m’asseoir, c’est comme si j’étais assis sur un gros ressort….Et attention au phénomène de résonnance qui pourrait nous envoyer, si ce n’est au 7ème ciel, du moins au plafond.
Alors je nous allons nous contenter de dormir debout, à deux, contre un mur, avec éventuellement un peu de recul !

Nara-Tombouctou
Au petit déjeûner matinal, Marco nous explique que le départ de l’étape du jour, exceptionnellement courte, est fixé à 13 h.
Nous avons ainsi le temps de flâner, nous reposer du trajet de la veille, vérifier nos motos et la Suzuki.
La moto de Marco ne démarre plus! Il s’y connait un peu en mécanique, mais manifestement nous n’avons ni le temps, ni les compétences pour résoudre le problème. Alors quelle est la solution?
Marco et moi allons confier nos motos à la garde du patron de l’hôtel; et nous continuerons le trip dans la Suzuki avec Jules et Jim. J’appelle un garagiste à Bamako, il passera récupérer les motos, je lui donne les coordonnées: Nara, hôtel des Belges. Il a déjà fait ça pour moi!

Puis assez rapidement nous allons boire une série de gazelles, et mes trois compagnons commencent à tirer sur leurs joints. Le temps passe…passe.. passe le temps, il n’y en a plus pour très longtemps. Passons à table, au menu un poulet bicyclette, des frites et une bouteille de rosé. Mes potes continuent à tirer sur leurs joints. Et moi, je bois du rosé. Voilà notre préparation pour l’ étape du jour!
Durant le repas, Marco nous rappelle à propos du Paris-Dakar que sur la piste tous les véhicules privés ont la priorité sur les concurrents du rallye. Ça nous étonne, mais avec beaucoup d’assurance il déclare que nous allons vérifier son assertion, et demande à Jim, de conduire la Suzuki. Mais voilà, la Suzuki c’est Jules qui la conduit, et lui, Jim n’a jamis conduit de 4×4, ni sur les routes goudronnées, et encore moins sur les pistes sableuses.
Ces trois là, Marco, Jules et Jim, commencent sérieusement à m’inquiéter, de plus comme ils sont tous enfumés, ils sont tous OK entre eux: ils sont bien décidés à faire respecter leur priorité! Paris-Dakar, ou non, priorité à droite et on ne les doublera que si la vue est dégagée devant! Qu’on se le dise! Et ils décident d’une seule voix de partir les premiers dix minutes avant l’heure officielle du départ de la meute, 170 concurrents! Ça promet.
Nous allons vivre le Paris Dakar de l’intérieur.
Finalement j’acquiesce et me rassure: après tout j’avais déjà fait exactement le même plan, que celui de Marco, sur le Paris-Dakar de l’an dernier, mais seulement sur les derniers kilomètres avant l’arrivée à Nema. Une demie heure à moto, coincé dans une ornière avec toute la meute au cul, ça je n’oublierai jamais. Alors évidemment ici ça va durer plus longtemps, toute l’étape, mais en voiture, ce devrait être plus confortable, que coincé à moto dans une profonde ornière. On verra bien! Banzaï !
Alors on a fait comme prévu: Jim au volant de la Suzuki, Jules à coté, Marco et moi à l’arrière. Et on n’a pas été déçus!
Dix minutes avant l’heure officielle nous franchissons la ligne de départ, provoquant un certain émoi parmi les organisateurs,
qui font des moulinets avec leurs bras. Au moins tout le monde sera prévenu que nous sommes devant, et que notre priorité devra être respectée. Et ainsi nous serons respectés nous mêmes. On peut toujours rêver! Alors là, nous n’allons pas être déçus.
Le départ s’effectue véhicule par véhicule, avec 30 secondes d’écart pour les 10 premiers au classement général. Puis idem pour les suivants mais avec une minute d’écart. Les camions de la caravane sont les derniers à partir et font la course entre eux.
A l’heure du départ nous avons donc 10 mn d’avance sur le premier de la meute, c’est à dire plus concrètement quelques kilométres d’avance; mais continuant à notre allure, celle d’un novice enfumé, les joints continuant à circuler dans la Suzuki, notre avance commence à fondre comme neige au soleil. Pour mieux voir arriver nos poursuivants Marco, s’installe sur le pneu arrière, le regard dans le vague, attendant l’arrivée des premiers nuages de poussières.
Soudain, le premier surgit, klaxonne et nous double à toute allure. Immédiatement nous n’y voyons plus rien. Il faut savoir que le sable à une composante trés fine, qui longtemps après le passage du véhicule reste en suspension dans l’air.
Jim, ne sait plus comment conduire, il n’y voit rien, est farci de cannabis, et ne sait pas conduire dans le sable.
Pas le temps de réfléchir, le second prototype arrive, mais nous ne le voyons qu’au dernier moment, car nous dégageons, nous aussi un nuage de poussières, qui s’ajoute à celle du précédent, toujours en suspension.
Je réalise donc que le suivant ne nous aperçoit lui aussi qu’au dernier moment et de ce fait risque carrément de nous percuter violement par l’arrière, car évidemment il roule le plus vite possible!
Ça passe, ou ça casse, une fois de plus dans mon existence!
J’avoue que je m’attends au pire, et que j’ai une sacrée trouille! Mes trois compagnons toujours camés, se régalent de la situation et rigolent bêtement. Et la tournante des joints continue.
Ouf, le second freine à mort, déboîte sur sa gauche et nous évite de justesse, puis il accélère à fond, et chassant de l’arrière à droite et à gauche, il prend le large à toute allure!
Et voilà le troisième.
Plus que167 à venir…
La situation est tendue pendant les cinq premières minutes jusqu’à l’arrivée du dixième concurrent, puis s’améliore du fait que les départs sont ensuite donnés de minute en minute, ce qui laisse à la poussiére soulevée par le précédent deux fois plus de temps pour se déposer, avant l’arrivée du suivant. Notre visibilité, et la leur s’en trouvent bien améliorées. Je respire un peux mieux.
Pour notre part, nous n’allons pas aussi vite, mais nous progressons malgré tout vers Tombouctou. Ça y est, les 170 véhicules nous ont doublé. Nous n’arriverons pas dans les premiers, mais nous pouvons rouler maintenant sans soucis.
Destination Tombouctou, avant la tombée de la nuit!
Nous sommes en plein désert et nous n’avons croisé personne. Toutefois un camion, type semi-remorque arrive derrière nous et klaxonne pour qu’on lui libère la piste, car il ne peut pas passer sur le coté, la piste s’étant rétrécie. Marco, imbu de sa priorité, qu’il n’a pas revendiqué jusqu’alors,
lui fait un doigt par la fenêtre. Furieux, le chauffeur klaxonne de plus belle. Marco lui fait alors un bras d’honneur. Reklaxon, doigts et bras, le temps passe et nous roulons de conserve, devant le semi-remorque. Les abords lui paraissant plus favorables, le routier donne un grand coup de volant à gauche, quitte la piste et essaye de nous doubler en roulant sur le sol herbeux du bas-coté. A la demande de Marco, Jim accélère, donc le semi ne peut nous dépasser. Dégouté, le chauffeur semble décidé à rejoindre la piste, lorsque
roulant encore à vive allure, le chauffeur écrase ses freins, avant d’écraser sa cabine dans un trou caché par herbes, qu’il n’avait donc pas pu voir de loin. Bien que nous n’ayons pas ralenti notre allure, j’observe penché par la fenêtre que sa cabine a basculé dans le trou et retenue par la remorque, elle reste suspendue au dessus du vide. Sur mes indications, Jim stoppe la Suzuki, tandis que le routier embraye le pont arrière de la remorque, et parvient lentement à s’extraire du trou. Plus de peur que de mal, nous redémarrons et poursuivons notre trip.
Quelques temps après le semi-remorque réapparait dans notre rétroviseur, et cette fois-ci nous nous garons bien a droite pour le laisser passer. Il passe, et une bordée d’injures ignominieuses tombe dans nos chastes oreilles. Le reverrons nous à l’escale de Tombouctou ? La question est posée.

Plus tard, dans l’après midi, nous devons stopper la Suzuki, arrêter le moteur, qui chauffe énormément, et attendre un peu avant d’ouvrir le bouchon du radiateur. On ne voit pas l’eau, mais on l’entend gargouiller à l’intérieurcar car elle est bouillante! Nous décidons d’attendre encore pour laisser refroidir, et de compléter le niveau avec le bidon d’eau emporté a toutes fins utiles. Puis, au bout d’une demie heure, nous redémarrons en priant le seigneur de nous permettre de rejoindre Tombouctou.
Hélas, au bout d’un quart d’heure de route, même motif, même punition!
L’attente continue. Nous savons qu’il y a une voiture balai, mais passera-t-elle vraiment par ici? On espère aussi un repérage par l’hélicoptère de Thierry Sabine! D’accord, mais voilà Thierry Sabine est mort avec Balavoine dans le crash de son hélicoptère, lors du premier Paris-Dakar en 1986. (Nous allions du reste, lors d’un trip ultérieur à moto, de Tombouctou vers Niamey, en découvrir les débris à quelques encablures du petit village de Ghourma-Kharous, non loin du fleuve Niger, en rive droite).

Finalement, un dernier camion, « la voiture balai », s’arrête à notre hauteur. En descend un jeune mécanicien, très sympa. Nous ne faisons pas la course, mais il va quand même nous dépanner. Il identifie la panne, c’est la pompe à eau, et il la change. Pour le reste, tout est OK. Le camion repart.

La nuit est tombée et nous sommes encore loin de Tombouctou, où nous pensons pouvoir dormir dans le camp du Paris-Dakar, si nous ne perdons pas la piste. Vers 21 h un inconnu surgit d’un bosquet au bord de la piste et nous balance une grosse pierre sur la voiture. Chance à nous, elle manque le pare-brise, mais vient heurter violemment la portière avant droite. Le mieux est de ne pas nous arrêter, d’ailleurs au bruit Jim appuie sur l’accélérateur.

Tombouctou.
Finalement nous arrivons à Tombouctou vers 23 h et nous rejoignons sans problème le campement, où nous trouvons un emplacement convenable pour garer la Suzuki. Malgré l’heure tardive, on nous offre, gracieusement, à manger et à boire au restaurant d’un soir, établi quelques heures, pour les concurrents et toute la logistique.
Vers minuit, nous faisons le tour du camp établi dans l’aérodrome, le long de la piste.
Impressionnés par la résistance physique, et morale, incroyable, des concurrents amateurs qui mécaniquent tout seuls leurs motos.
Maintenant nous sommes bien fatigués et il est largement l’heure de rentrer dans nos sacs de couchage, près de la Suzuki. Avec Marco, nous décidons d’être présents sur la ligne de départ de la nouvelle étape, le demain matin dès 05 h.

Conseil amical: Tapez: You tube Paris Dakar 1986

En fait je me réveille avant tout le monde et je suit les groupes qui marchent vers la ligne de départ. Le soleil émerge aux sommet des dunes, et sur l’une d’elles, j’ai la surprise de reconnaître une silhouette familière. Il s’agit de Jean B. le directeur de l’entreprise Hydropschitt, venu avec son avion personnel, et son pilote. On peut comprendre sa présence ici, si l’on se rappelle que le programme d’alimentation en eau potable, dont j’assumais le suivi et le contrôle à Bamako, avait un gros volet à Tombouctou: des forages, un grand chateau d’eau et des kilomètres de conduites enterrées pour la distribution d’eau en ville.
Il me paraît surpris lui aussi, mais finalement pas tellement! Je reviens sur les conditions de mon départ, arguant que les travaux étaient quasiment terminés. Et il me demande si j’avais pris le temps de faire mon déménagement. D’ailleurs si ce n’est pas le cas, il me propose une place dans son bimoteur pour retourner à Bamako et y boucler mes affaires, et ceci dès la fin du départ des concurrents. Je lui explique notre virée à moto, et lui demande s’il aurait une deuxième place, pour Marco, à charge pour lui, de nous faire ramener demain à Tombouctou. J’y voyais surtout l’occasion d’un dégagement sympa en ville, avec mon pote Marco, et puis aussi l’occasion de revoir, même brièvement quelques amis que j’avais quitté sans leur dire au revoir.
Marco justement arrive sur la ligne de départ et je lui explique le topo, finalement un plan d’enfer qui sort de l’ordinaire, et puis le vol Tombouctou, Mopti, Bamako est sympa surtout quand il fait beau temps comme ces jours-ci. Mais voilà Marco décline l’invitation! Je retourne donc vers Jean B. pour décliner son offre, le remercier et lui demande de présenter mes regrets à son directeur de travaux, pour mon départ précipité.
Cependant, hanté à nouveau par ma psychose obsessionnelle, je ne peux m’empêcher de trouver bizarre cette rencontre inopinée. L’ombre de l’Organisation plane au dessus de moi!
Entre temps le camp du Paris-Dakar a démenagé, et de multiples camions, chargés à ras bord embrayent sur la piste.
Les avions s’apprêtent à décoller vers l’étape du jour en Mauritanie.

https://www.youtube.com/results?search_query=paris+dakar+1986

Aujourd’hui nous les motards avons prévu de faire le tour du lac Faguibine. Il est situé au nord de la partie centrale du Mali dans le delta intérieur du Niger.
C’est est une région naturelle du Mali s’étendant sur 70.000 km² entre les villes de Djenné et Tombouctou, où le fleuve se subdivise en de nombreux bras avant de reprendre un cours normal. Il est une combinaison complexe de rivières, de canaux, lacs, marécages, et par endroits de terre ferme.
Ces terres sont très fertiles et permettent les cultures vivrières (sorgho, maïs, patate douce, pomme de terre, arachide, légumes) sans apport d’engrais minéraux.
La pêche et la culture du riz contribuent aussi pour une large part aux ressources des habitants.
Peu après la fin de la saison des pluies, le delta intérieur offre un paysage de verdure et de cultures
Cet oasis humide dans le Sahel, sert aussi d’habitat aux oiseaux migrateurs de l’Afrique de l’Ouest.
Ce site est protégé par un traité international pour la conservation et l’utilisation durable des zones humides, qui vise à enrayer leur dégradation ou disparition, aujourd’hui et demain, en reconnaissant leurs fonctions écologiques ainsi que leur valeur économique, culturelle, scientifique et récréative.
Aujourd’hui notre récréation sera donc de faire le tour du lac.
A partir de Tombouctou, il faut traverser une zone de dunes, disposées en cordons successifs, sans aucun point de repère particulier. J’envoie donc chercher Dahaman, le touareg, qui était le chauffeur de notre équipe à Tombouctou, dans la cadre du programme d’alimentation en eau potable. Je ne résiste pas au plaisir de présenter cette équipe: Elysée ingénieur arabe, Amadou technicien songhaï, et Dahaman chauffeur touareg. Ce dernier étant indispensable pour nous conduire au lac Faguibine sans nous perdre dans le désert.
Comment parler des Songhaïs, ethnie majoritaire à Tombouctou, sans évoquer leur fameuse danse, le Tacoumba, d’une lenteur hiératique, hypnotique, sensée conduire à l’acte d’amour?
Quant à Amadou, né à Tombouctou, il était resté berger, jusqu’à 12 ans, conduisant ses moutons à travers la steppe buissonneuse, dont il disait reconnaître chaque buisson entre la ville et le fleuve.

Nous voila donc au pied des dunes de sable ou Dahaman progresse à l’instinct, louvoyant d’un cordon à l’autre, tout en conservant la direction générale adéquate.
De temps en temps, la suzuki stoppe et, nous nous dégourdissons les jambes en montant sur un cordon jusqu’en haut. Ça monte progressivement du coté au vent, et ça descend brutalement de l’autre coté. C’est si pentu, que nous provoquons dans nos descentes des glissements de masses de sable qui nous accompagnent jusqu’en bas. Exercice jouissif!
Finalement après 1h30 dans la Susuki nous arrivons en rive du lac Faguibine. Les dunes qui plongent directement dans l’eau ont une blancheur lumineuse du plus bel effet. Attention, faire le tour du lac serait problématique, car sa longueur pourrait atteindre 80 kms.
C’est pourquoi, aprés avoir roulé un moment en rive, Dahaman nous propose de traverser le lac, en profitant d’une sorte de gué marécageux qui nous conduira de l’autre coté au village de Bintou Goungou.
Pendant la traversée, sur une distance dépassant le kilomètre, nous sommes attentifs à ne pas nous enliser, et craignons surtout une surprofondeur, ou un trou, dans lequel nous pourrions tomber.
Mais Dahaman connaît le lac Faguibine comme sa poche et nous arrivons indemnes et rassurés sur la rive opposée.
C’est l’heure de la prière et l’appel amplifié du muezzin, se propage de dune en dune.


« Allahou akbar, Allahou akbar, Allahou akbar ». « Ach-Hadou ane lâ ilâhailla lahou wa ach-hadou anna Mouhamadou rassoulhou! »

Les faradjia multicolores des fidéles se détachent sur le fond blanc des dunes, et convergent vers la mosquée. Il se dégage, alors que les fidéles se prosternent lors de leur prière, une impression de ferveur et calme, qui nous imprègne d’une sensation particulière, amplifiée par le sentiment de l’isolement dans ce coin perdu du désert.

Magie du divin, magie du désert, magie de cet Univers.

https://www.youtube.com/watch?v=X_5_dcfmi94

https://www.youtube.com/results?search_query=paris+dakar+1986





















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