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Maroc 2000 IECNTIC

IECNTIC dans les villages (douar).
par les animateurs du programme MEDA.

Voici le lien du programme MEDA

Donc, c’était convenu avec Michel Imberbe. S’il gagnait l’appel d’offre, je retournais au Maroc. Mais il fallait que je sois patient car la procédure pouvait être longue. Un an au minimum. Et il fallait gagner l’A.O., c.a.d. être meilleur qu’une kirielle de bureau d’études concurrents.
 

Maroc hydraulique villageoise

Chronique berbère: la vie dans un village de montagne
https://www.bing.com/videos/search?q=La+vie+dans+un+village+marocain&docid=608044452065315946&mid=2A6982DF82331F8B1D402A6982DF82331F8B1D40&view=detail&FORM=VIRE

L’eau dans un village de montagne:
https://www.bing.com/videos/search?q=Maroc+l%27eau+dans+les+villages&docid=608047265248904860&mid=B7D43CFD8FB27B635616B7D43CFD8FB27B635616&view=detail&FORM=VIRE

Il s’agit d’hydraulique villageoise: un forage de 50 a 100 mètres de profondeur pour chaque village. Chaque forage, s’il fournit de l’eau sera équipé d’une pompe à main, et les femmes viendront y remplir leur jerricans en pompant elle même. Le progrès est évident puisque le forage sera réalisé à proximité immédiate du village ce qui évitera aux mamans de parcourir a pied, chaque jour des tas de km (la corvée de l’eau). Il faut remarquer que la propagation de ces systèmes d’alimentation en eau potable a été, un moment entravée pour plusieurs causes: l’entretien défectueux des pompes, la propreté douteuse autour du forage, la construction de barrières de protection autour du forage, la désignation d’un responsable villageois, la constitution d’une caisse pour payer les réparations, l’élaboration d’un réseau de réparateurs régionaux. Et aussi à cause du vieillissement des dalles carrées en béton enserrant le tubage (les margelles) souvent déstabilisées par l’érosion autour du tubage, ce qui entraîne un retour d’eau sale, à l’intérieur des forages. Tout ceci pouvant être cause d’épidémies de maladies hydriques au village, en particulier de choléra. On comprendra donc que les villageois avaient de grandes difficultés, à s’approprier les points d’eau et à en assumer la gestion. Sans parler de la conservation de l’eau à la maison avec des habitudes ancestrales qu’il fallait modifier: abandon des jarres en argile, (dans leurs pores s’incrustaient impuretés, germes et bactéries), abandon de l’habitude de boire, avec une seule tasse en plastique pour toute la famille, remplie en la plongeant dans la jarre souvent avec une main sale, rincée après boisson en la replongeant de la même main et jet de cette eau de rinçage, sur place par terre, ce qui attirera les mouches, qui tourbillonnent et se posent sur les yeux des jeunes enfants.
L’onchosercose, n’est pas loin. C’est une maladie hydrique qui fait de très nombreux aveugles en Afrique.
Pour s’en prémunir les villages sont toujours installés à distance des rivières, ce qui les protège également des crues.
Voilà pour la description des problèmes d’alimentation en eau des villages africains.
Finalement tout ce que les africains doivent prendre en charge, pour la pérennisation de leur nouvelle alimentation en eau constitue un véritable paradigme.
Il a donc fallu, leur donner des formations et pour ceci, requérir les services de sociologues dans les projets d’alimentation en eau potable.
Mais ceci est une autre histoire….
que je vais raconter tout de suite.

Le PAGER
Wikipedia
« Le Programme d’approvisionnement groupé en eau potable des populations rurales (PAGER) est un programme du gouvernement marocain entamé en 1995 pour augmenter le taux d’accès à l’eau potable en milieu rural, très faible à l’époque. Le projet repose sur deux principes : l’utilisation de techniques simples et la participation des bénéficiaires à tous les stades du projet depuis la définition des besoins en passant par la conception la réalisation et jusqu’à l’évaluation. Grâce à ce programme, le taux d’accès à l’eau potable en milieu rural a augmenté considérablement.

Impulsion du programme
Le programme a été lancé en 1995, à la suite de poussées épidémiques de choléra durant les périodes estivales des années 1988 – 1994. Il devrait approvisionner 31 000 localités avec 12 millions de personnes en eau potable avant 2010.

L’ instrument financier MEDA de l’ Union Européenne, coopère au PAGER, par sa contribution au programme d’Alimentation en eau potable de 450 douars au Maroc.
Missionné par le bureau d’études français SOGREAH, j’arrive au Maroc en 2000, comme ECTP (expert conseiller technique principal) sur un programme, financé par l’Union Européenne pour l’alimentation en eau de 450 villages au Maroc.

Nous venons en appui technique et social à le cellule de gestion du PAGER, partie intégrante de l’ONEP, Office National de l’Eau Potable.

Le programme, initié par l’U.E. comprend deux volets:
– Information, éducation, communication (I.E.C.) pour les 450 villages concernés.
– Etude et mobilisation des ressources en eau, suivi et contrôle des travaux, jusqu’aux bornes fontaines dans chaque village.

Nous étions en charge, en coopération avec la Direction de l’ONEP, des relations avec le bailleur de fonds, et des activités d’IEC (l’information, l’éducation, et la communication) dans les villages; tandis que l’ONEP s’occupait elle même des travaux, avec ses directions régionales.

Mon rôle sera, entre autres, de diriger et de coordonner une équipe comprenant:
– 1 ECTP, ingénieur hydraulicien, moi même.
– 1 géologue français
– 1 sociologue expert français
– 2 sociologues marocains
– 6 animateurs marocains.
– 4 chauffeurs marocains.
Nos moyens:
– 4 Toyota Land cruiser
– 2 conduites intérieures
– 8 motos enduro aprilia, 50cc.

Les soirées dans les douars. L’ IECNTIC..
La première chose à faire, quand on veut parler aux villageois (les douaristes) c’est d’arriver à les réunir. Où et quand? Et pourquoi faire? Bonnes questions.
Pour l’information, l’éducation, et la communication avec les populations (l’IEC), après des heures de discussions passionnées avec nos collègues et amis marocains, nous avons élaboré une nouvelle stratégie innovante et résolument moderne, fondée sur l’utilisation des NTIC (les nouvelles technologies pour l’information et la communication). Avec les NTIC on tourne le matin, on monte l’après-midi et on projette le soir. 
L’IEC NTIC était ainsi créée, au moment même où la photo et le film numériques faisaient leur entrée au Maroc. Et où Apple boostait ses Mac avec des ordinateurs musclés (en mémoires vives et mortes, en vitesses de téléchargement, en logiciels de montage..etc.).
Pour que les douaristes s’identifient bien au probléme de l’eau, dans leurs villages, le matin, nos sociologues s’éparpillaient vers les sources et dans les douars, pour des interview de trottoir filmés au cours desquelles les femmes, chargées d’amener l’eau dans leur foyer, s’exprimaient avec plaisir, en détaillant les problémes. Les hommes, qui prenaient en charge, avec leur bourricot, le transport de l’eau à partir des sources les plus éloignées, étaient aussi acteurs dans nos vidéos.

Durant l’après midi, un sociologue informaticien, installé avec son ordinateur dans le coffre de la Toyota landcruiser, effectuait le montage du « film du village », tandis que les douaristes étaient conviés a la projection, le soir même. Où et quand?

A la sortie de la mosquée, après la prière du soir! C’est si simple, il suffisait d’y penser. Ainsi pendant que les fidéles se prosternaient et écoutaient leur imam, nous suspendions au faît du mur de la mosquée, avec l’aide des enfants du douar, un drap blanc: voilà pour l’écran.

Video projecteur et animateurs.


Pendant ce temps, notre vidéo-projecteur était mis en position, et une photo de la mosquée alternait avec les visages des douaristes. Ainsi, à la sortie de la prière, au crépuscule, les fidéles se reconnaissant sur l’écran, restaient sur place, discutaient avec notre équipe et envoyaient les enfants prévenir leurs femmes pour la projection imminente du film.

A la fin du film, la prise de conscience collective du probléme de l’eau et de l’hygiène, devait émaner du public, et partant de là, aprés une brève présentation orale du programme, c’était par le jeu de questions-réponses, la prise de conscience collective de la solution que nous leur proposions.
Voilà pour l’essentiel.
Mais il y avait toujours en fin de réunion un point dur! : Il était exigé des villageois une contribution financière familiale modérée mais significative, censée favoriser l’appropriation, la prise en charge, l’usage et la maintenance, des équipements modernes (forages, pompes à main et borne-fontaines) que le programme PAGER allait mettre en place.
Ce n’est pas anodin, car l’achat, une fois par an, du mouton pour le sacrifice de l’Aid el Kébir, pose souvent problème. Cette contrainte financière imposée à chaque famille était pour eux quasiment incompréhensible. L’Union Européenne n’avait-elle pas assez d’argent pour financer en totalité les installations ? Du coup nos séances d’information commencées dans la joie collective, se terminaient parfois en queue de poisson! Mais le débat était ouvert. Mais finalement une solution acceptable pour tous allait être proposée par les villageois: ils proposaient leur force de travail pour la réalisation des dalles autour des forage dans les villages ou la construction des bornes fontaines, dans les villes…..Et ce qui fût dit, fût fait.

https://www.youtube.com/results?search_query=borne+fonaine+Maroc

You Tube. Tapez: borne fontaine Maroc

Evidemment, ces séances nocturnes d’IECNTIC, demandaient de la part des animateurs une réelle implication, qui dépassait à l’évidence les horaires administratifs. Mais je crois que ces soirées généraient chez eux une saine motivation.

3 animateurs et 6 villageois.

Avant de quitter chaque village, on imprimait des affiches que l’on placardait à l’unique épicerie du village.

Toutefois, après quelques mois de cette communication exigeante, qui les entraînait sans relâche, de village en village, leur motivation était en baisse, et ils avaient tendance à écourter les séances.

Hassan
Pour les relancer, je les ai mis en concurrence, un soir sans le leur dire, avec Hassan, le père de Hajiba, membre de la Halka de la place D’jamaâ el Fna à Marrakech. Lorsque nous discutions de nos activités de communication dans les douars, il me répétait à l’envie que lui, savait comment parler aux villageois, puisque tel était son métier: il était Hlaïqya, exerçant sur la place Jamaâ El Fna, où se perpétue cette tradition depuis des siècles.
Le spectateur peut y passer des heures avec des conteurs en tout genre, des charmeurs de serpents en passant par les jeux d’acrobaties et par les devins qui ont gardé toute leur authenticité. 

Au Maroc, la halka, lieu de divertissement et de rire, est principalement présente sur les grandes places publiques des villes même si, de nos jours, le patrimoine culturel commence à disparaître.

L’art de la halka, la forme la plus ancienne de théâtre traditionnel au Maroc, existe depuis la nuit des temps. Lors d’une représentation en plein air, sans rideau, sans distance entre les spectateurs et le comédien, sans maquillage et sans artifices, des pièces de différents genres sont jouées. La halka demeure un lieu de transmission de la culture, un garant de la mémoire artistique. 

La naissance de la Halka
La Halka est née d’une personne surnommée en arabe lemsiyah (en français : clown), qui avait un don pour parler et raconter des histoires. Le lemsiyah inventait des histoires dans des royaumes antiques, retraçant la vie des prophètes. Avec beaucoup d’exagération, il n’hésitait pas à faire des devinettes, utilisant des prophètes et mettant à profit les mythes. Pour mieux écouter les histoires, la foule se mit à former un cercle, qu’en arabe on appelle halka, autour du hlaïqya, l’animateur des halkas. Lorsqu’il prend la parole « Qan ya maqan… », la foule est tout de suite envoûtée par le déroulement des actions jusqu’à en oublier le temps qui passe. 

Le hlaïqya fit de son don sa profession. De ville en ville, de souk en souk, il a voyagé pour faire partager son talent. Les hlaïqya se multiplièrent et se diversifièrent pour raconter des histoires aussi bien fantastiques que tirées de la réalité. Les histoires sont narrées par épisode pendant plusieurs semaines ou même plusieurs mois. Surprenant à chaque fois leurs spectateurs par une nouvelle histoire ou une nouvelle devinette, les hlaïqya n’ont jamais manqué d’inspiration.

La Halka, une figure populaire
La majorité des hlaïqya viennent de la campagne. Si beaucoup sont analphabètes avec un niveau d’études basique, cela ne les empêche pas d’être talentueux. À l’époque, ce travail n’était pas décent même si la population marocaine était bercée par leurs histoires. 

Avec le temps, beaucoup de volonté et d’efforts ont permis de changer l’opinion des Marocains. Le conteur de la halka est devenu un personnage à part entière de la société marocaine, qui s’intègre parfaitement dans le décor des villes. La halka est désormais reconnue comme une véritable profession, et les conteurs voient leurs droits et devoirs reconnus. Ils ont même créé leur propre syndicat. Plusieurs institutions organisent annuellement des festivals de l’art de la halka. Pour les organisateurs de tels événements, le but est de contribuer à la préservation de la mémoire populaire, de participer à la valorisation du patrimoine national et de faire revivre la culture orale populaire ancienne.

HAJIBA
A mon arrivée à Rabat, comme expert conseiller technique pricipal, du progamme financé par l’Union Européenne pour l’alimentation en eau potable de 450 villages au Maroc, je n’eu aucun mal à louer une belle villa, à El Haroura plage, en bord de mer, les pieds dans l’eau. J’embauchais rapidement le personnel de maison (gardien, jardinier, cuisinière, femme de ménage).
La villa étant à présent opérationnelle, mes premiers invités seront mes collègues de l’équipe de Marrakech: Serge sociologue, et J.P.B. géologue. Bonne surprise, après 15 jours à peine passés à Marrakech, voilà qu’ils se pointent avec chacun leur copine, du reste fort jolies et sympathiques.
Ils sont venus pour la réunion officielle de démarrage de notre programme d’AEP de 450 villages.
Serge avait eu la bonne idée de préparer des transparents pour projeter une présentation du programme, et y présenter notre implication. Cinq minutes avant le début de la réunion, voyant que je n’avais rien préparé, il me refile ses transparents, et me montre comment marche son appareil de projection (on n’avait pas encore de Power Point).
J’ai donc commencé le premier, en faisant grâce à Serge, une excellente impression à l’auditoire: des officiels de l’ONEP, et des Ministères de l’Hydraulique, de l’Intérieur, de la Santé…etc.
Serge, passé en final, obtient une standing ovation pour sa présentation, avec ses transparents de la fameuse « Flèche Méthodologique ».

Maintenant, laissez vous porter par la magie orientale:
https://youtu.be/-doBnvQEmEc

Le lendemain matin les deux fiançées de Serge et J.P.B. viennent parler avec moi, et elles ne comprennent pas qu’un beau garçon comme moi, célibataire, n’ait pas encore rencontré une amie marocaine. Seul à la maison, les soirées ne sont-elles pas longues pour moi dans cette belle maison?
– oui bien sûr, un peu longues c’est vrai.
– alors ça te plairait qu’on demande à notre copine Hajiba, de venir passer le week end ici, avec nous? Tu verras, elle est très jolie, jeune, gentille, elle habite à Marrakech, on l’appelle et si tu lui envoie un chauffeur demain matin, elle sera là dans l’après midi.
– OK, j’appelle Hassan pour lui dire de passer prendre ma voiture demain, à 8h.

Et le lendemain soir, nous voilà, les trois couples à table, chacun avec sa chacune.
Et ma « chacune à moi », qui ne l’est pas encore vraiment, elle me plaît beaucoup!
Jugez en vous mêmes, voici sa carte de visite, qui ne m’a pas laissé insensible, je dois le dire.
Hajiba dans le salon de ma villa à Temara, 18 ans, lorsque je l’ai connue.

On aurra donc compris que la délicieuse Hajiba est une danseuse, et d’ailleurs elle exerce ces talents dans des soirées privées. Et il me vient l’idée saugrenue, de mon coté, qu’il faut mieux, comme on dit, être deux sur un bon coup que seul sur un mauvais…
Et la prochaine danse de ma promise, me renforcera illico, dans cette pensée philosophique.
Après une pastilla aux pigeons savoureuse préparée par nos amies marrakchies, et accompagnée d’un délicieux Boulaouane rosé, nous sommes tous allongés sur des sofas, pressentant un excellent thé à la menthe; selon le rituel ancestral, Hajiba s’est emparée d’instinct, de la théière, pour remplir nos verres. C’est un signe fort qu’elle envoie vers nous: moi même, ses amies, mes collègues…Un ange passe.
La théière monte et descend au dessus de nos verres avides, gargouillant dans le silence de la nuit.
Mon troisième oeil s’éveille, alors qu’une fameuse fameuse mélodie arabe murmure derrière mon front: « Habibi alil, habibi allil ».
 » Ma chérie la nuit », une invocation mystique, sorte de fantasme, cher aux poètes arabes éperdus d’amour, ou bien moins spirituel, mais plus charnel: « ma chérie de la nuit ».
A vous de juger:
Perdus dans nos pensées, et désirs, nous écoutons de la musique andalouse, en silence. Puis à son initiative, Hajiba décidément amplifie son emprise, en nous gratifiant de nouvelles danses marrakchis.

Habiba sur la terrasse de ma villa à Haroura plage.

Et enfin, notre amie la nuit nous entraîne les uns et les autres dans nos chambres respectives: il n’y en a que 3, et nous sommes 6. La répartition est vite faite.
Et ce soir, Xavier et Hajiba, réalisent la synthèse des habibi et des allil, la meilleure chose au monde, charnelle et spirituelle:

Etendue, fraîche et dispose,
cheveux éparpillés
sur draps rouges de roses
sourire confiant de petite pomme
aussi calme qu’une grande tige,
ses hésitations, sa détermination…

Du haut de mon bon appartement chaud,
50 années d’amours dispersés à la ronde, nous contemplent: le magnétisme de mon amante, m’aimante, m’attire; Je la tire….
…vers moi. Elle m’attire vers elle.
Irrésistiblement, je m’étends, je l’entends, je l’attends.

Sur le rytme de la théière,
Bien droite sur ma cuillère,
Hajiba
Va et vient,
Monte et descend,
Glisse et réglisse,
Entre et sort,
Serre et dessert,
Tourne et détourne,
Mord sans démordre….

Je participe au débat,
Je relance à l’envie les ébats, puis
Du bec de ma théière, du haut de ma cuillère, je disperse mes gènes.
Le lait de mon thé à l’amante.
Ma danseuse à l’affût, termine sa danse,
et là, entrant en transe, nous partageons tous deux notre sublime transcendanse.

Et Hajiba chante son bonheur, avec une voix étonnante pour ses 18 ans.

Hassan, le père de Hajiba,est membre de la Halka de la place D’jamaâ el Fna à Marrakech. Lorsque nous discutions de nos activités de communication dans les douars, il me répétait à l’envie que lui, savait comment parler aux villageois, puisque tel était son métier : il était Hlaïqya, exerçant sur la place Jamaâ El Fna.

Lorsqu’on parle de Halka, on pense à la place Jamaâ El Fna de Marrakech où se perpétue cette tradition depuis des siècles. Le spectateur peut y passer des heures avec des conteurs en tout genre, des charmeurs de serpents en passant par les jeux d’acrobatie et par les devins qui ont gardé toute leur authenticité. 

Au Maroc, la halka, lieu de divertissement et de rire, est principalement présente sur les grandes places publiques des villes. La Halka est née d’une personne surnommée en arabe lemsiyah (en français : clown), qui avait un don pour parler et raconter des histoires. Le lemsiyah inventait des histoires dans des royaumes antiques, retraçant la vie des prophètes. Avec beaucoup d’exagération, il n’hésitait pas à faire des devinettes, utilisant des prophètes et mettant à profit les mythes. Pour mieux écouter les histoires, la foule se mit à former un cercle, qu’en arabe on appelle halka, autour du hlaïqya, l’animateur des halkas. Lorsqu’il prend la parole « Qan ya maqan… », la foule est tout de suite envoûtée par le déroulement des actions jusqu’à en oublier le temps qui passe. 

Le hlaïqya fit de son don sa profession. De ville en ville, de souk en souk, il a voyagé pour faire partager son talent. Les hlaïqya se multiplièrent et se diversifièrent pour raconter des histoires aussi bien fantastiques que tirées de la réalité. Les histoires sont narrées par épisode pendant plusieurs semaines ou même plusieurs mois. Surprenant à chaque fois leurs spectateurs par une nouvelle histoire ou une nouvelle devinette, les hlaïqya n’ont jamais manqué d’inspiration.

La majorité des hlaïqya viennent de la campagne. Si beaucoup sont analphabètes avec un niveau d’études basique, cela ne les empêche pas d’être talentueux. À l’époque, ce travail n’était pas décent même si la population marocaine était bercée par leurs histoires. Avec le temps, beaucoup de volonté et d’efforts ont permis de changer l’opinion des Marocains. Le conteur de la halka est devenu un personnage à part entière de la société marocaine, qui s’intègre parfaitement dans le décor des villes. La halka est désormais reconnue comme une véritable profession, et les conteurs voient leurs droits et devoirs reconnus. Ils ont même créé leur propre syndicat. Plusieurs institutions organisent annuellement des festivals de l’art de la halka. Pour les organisateurs de tels événements, le but est de contribuer à la préservation de la mémoire populaire, de participer à la valorisation du patrimoine national et de faire revivre la culture orale populaire ancienne.  

Dans le cadre de notre programme dont le premier volet est l’information, l’éducation et la communication pour les 450 villages concernés, Hassan tiendra un rôle.

Le deuxième volet est l’étude et la mobilisation des ressources en eau, suivi et contrôle des travaux, jusqu’aux bornes fontaines. Un forage de 50 à 100 mètres de profondeur pour chaque village. Chaque forage, s’il fournit de l’eau, sera équipé d’une pompe à main, et les femmes viendront y remplir leurs jerricans en pompant elles- mêmes. Le progrès est évident puisque le forage sera réalisé à proximité immédiate du village ce qui évitera aux mamans de parcourir à pied, chaque jour des kilomètres, la corvée de l’eau. Il faut remarquer que la propagation de ces systèmes d’alimentation en eau potable a été, un moment, entravée pour plusieurs raisons : L’entretien défectueux des pompes, la propreté douteuse autour du forage, la construction de barrières de protection autour du forage, la désignation d’un responsable villageois, la constitution d’une caisse pour payer les réparations, l’élaboration d’un réseau de réparateurs régionaux. Et aussi à cause du vieillissement des dalles carrées en béton enserrant le tubage (les margelles) souvent déstabilisées par l’érosion autour du tubage, ce qui entraîne un retour d’eau sale à l’intérieur des forages. Tout ceci pouvant être cause d’épidémies de maladies hydriques, en particulier de choléra. On comprend que les villageois avaient de grandes difficultés à s’approprier les points d’eau et à en assumer la gestion. Sans parler de la conservation de l’eau à la maison avec des habitudes ancestrales qu’il fallait modifier: Abandon des jarres en argile, (dans leurs pores s’incrustaient impuretés, germes et bactéries), abandon de l’habitude de boire, avec une seule tasse en plastique pour toute la famille, remplie en la plongeant dans la jarre souvent avec une main sale, rincée après boisson en la replongeant de la même main et jet de cette eau de rinçage sur place par terre, ce qui attirera les mouches, qui tourbillonnent et se posent sur les yeux des jeunes enfants.

L’onchosercose, n’est pas loin. C’est une maladie hydrique qui fait de très nombreux aveugles en Afrique. Pour s’en prémunir les villages sont toujours installés à distance des rivières, ce qui les protège également des crues.

Voilà pour la description des problèmes d’alimentation en eau des villages africains.

Finalement tout ce que les africains doivent prendre en charge, pour la pérennisation de leur nouvelle alimentation en eau constitue un véritable paradigme. Il a donc fallu, leur donner des formations et pour ceci, requérir les services de sociologues dans les projets d’alimentation en eau potable.

La première chose à faire, quand on veut parler aux villageois (les douaristes) c’est d’arriver à les réunir. Où et quand ?  Et pourquoi faire ? Bonnes questions. Après des heures de discussions souvent enflammées, nous avons pris le parti d’être résolument modernes. Et à l’IEC nous avons ajouté les NTIC, nouvelles technologies pour l’information et la communication.

L’IECNTIC était ainsi créée, au moment même où la photo et le film numériques faisaient leur entrée au Maroc. Et où Apple boostait ses Mac avec des ordinateurs musclés (en mémoires vives et mortes, en vitesse de téléchargement, en logiciels de montage, etc…).

Pour que les douaristes s’identifient bien au problème de l’eau dans leur village, dès le matin, nos sociologues s’éparpillaient dans les douars, et vers les sources pour des interviews de “trottoir“ filmés au cours desquelles les femmes, chargées d’amener l’eau dans leur foyer, s’exprimaient avec plaisir, en détaillant les problèmes. Les hommes, qui prenaient en charge, avec leur bourricot, le transport de l’eau à partir des sources les plus éloignées, étaient aussi acteurs dans nos vidéos.

Durant l’après-midi, un sociologue informaticien, installé avec son ordinateur dans le coffre de la Toyota Landcruiser, effectuait le montage du “film du village”, tandis que les douaristes étaient conviés à la projection, le soir même. La projection ? Où et quand ? 

A la sortie de la mosquée, après la prière du soir ! C’est si simple, il suffisait d’y penser. Ainsi pendant que les fidèles se prosternaient et écoutaient leur imam, nous suspendions au faîte du mur de la mosquée, avec l’aide des enfants du douar, un drap blanc : voilà pour l’écran.

Notre vidéo projecteur était mis en position, et une photo de la mosquée alternait avec les visages des douaristes. Ainsi, à la sortie de la prière, au crépuscule, les fidéles se reconnaissant sur l’écran, restaient sur place, discutaient avec notre équipe et envoyaient les enfants prévenir leurs femmes pour la projection imminente du film dédié.

A la fin du film, la prise de conscience collective du problème émanait du public, et partant de là, après une brève présentation orale du programme, c’était par le jeu de questions-réponses, la prise de conscience collective de la solution que nous leur proposions. Voilà pour l’essentiel. 

Mais il y avait en fin de réunion un point dur ! Il était exigé des villageois une contribution familiale équivalente au prix d’un mouton. Ce n’est pas anodin, quand on sait que l’achat, une fois par an, du mouton pour le sacrifice de l’A d ef Kir, pose souvent problème. Du coup nos séances d’information commencées dans la joie collective, se terminaient parfois en queue de poisson ! Petite précision technique : la puissance électrique appelée par le vidéo-projecteur épuisait rapidement la batterie de l’ordinateur Mac, aussi pour réalimenter celui-ci nous le connections directement à un groupe électrogène portable Honda de 600 watts, qu’il fallait recharger régulièrement en gas-oil. Avec l’impression étrange que notre ordinateur Mac marchait au mazout !

Évidemment, ces séances nocturnes, demandaient de la part des animateurs une réelle implication, qui dépassait à l’évidence les horaires administratifs. Mais je crois que ces soirées généraient chez eux une saine motivation Avant de quitter chaque village, on imprimait des affiches que l’on placardait sur le mur de l’unique épicerie du village.

Toutefois, après quelques mois de cette communication exigeante, qui les entraînait sans relâche, de village en village, leur motivation était en baisse, et ils avaient tendance à écourter les séances. Pour les relancer, je les ai mis en concurrence sans le leur dire, avec Hassan, le père de Hajiba, membre de la Halka de la place D’jamaâ el Fna à Marrakech

Un soir dans un douar où nos sociologues se réunissaient avec les habitants pour leur parler de d’alimentation en eau potable, Hajiba attendait son père, Hassan,

Nous arrivons alors que la prestation des animateurs commence par la projection du « film du douar ».
Dès la fin du film, il s’agit de receuillir les réactions des villageois par le jeu des questions/réponses.
Mais ce soir, manifestement les animateurs sociologues sont fatigués. Il n’ont pas la pêche! Et finalement ils mettent fin à ce qui aurait dû être une soirée de discussions et d’échange. Les villageois ne parraissent pas décidés à rentrer chez eux, ils semblent en vouloir plus. A tel point que le chef-animateur reprend le micro pour leurs préciser que la soirée est terminée, et qu’ils peuvent rentrer chez eux. Du reste son équipe est en train de ramasser le matériel.
Je décide alors de tester Hassan et sa façon de parler aux douaristes. Je lui fais signe. Manifestement il n’attendait que celà! Déterminé, il rejoint la scène, s’empare du micro et commence à haranguer les villageois qu’y s’en retournaient à la maison. Hassan parle au villageois avec le ton de la Alka, qu’ils connaissent et apprécient. Du coup, les voilà qui font demi-tour et s’empressent vers la scène.
La communication s’établit, des acquiessements puis des sourires apparaissent et finalement des rires et des applaudissements.

Par ĺa suite, Hassan, m’a explicité, son intervention à l’adresse des villageois: il a commençé par une référence au temps passé, une époque où leurs parents n’avaient pas d’eau au village, une époque qui dure encore, puisque la corvée de l’eau prend encore des heures chaque jour, et que les maladies de l’eau sale sont encore trop fréquentes. La corvée et les maladies, depuis les anciens jusquà maintenant!
Et il demande qu’on s’en rappelle ici et maintenant.
Ensuite il leur raconte le projet du Gouvernement, et de l’Union Européenne, en précisant que les habitants de la France et des autres pays d’Europe, souhaitent permettre aux villageois du Maroc de bénéficier d’une eau propre et potable, en toutes saisons.
Comprendre l’engagement des populations européennes en faveur de 450 villages du Maroc leur a fait forte impression! Les villageois s’en sentent redevables. Ils applaudissent.

Je réalise qu’Hassan développe ainsi son autorité historique, celle de la Halka, en plus de son autorité naturelle, fondée sur le ton, les inférences, et les références contextuelles de son discours. Et aussi sur son amitié sincère, sa proximité et sa complicité pour les villageois auxquels il parle si souvent, lui le Hlaïqya, sur la place Djemaâ El Fna.

Enfin Hassan termine en disant que l’U.E. compte en retour sur une cotisation de chaque famille, à hauteur de 500 dirhams,
qui servira à construire une borne-fontaine dans leur village. Soit le prix d’un mouton par famille.
Et il explique que l’Administration paiera tous les travaux pour amener l’eau à partir de la source jusqu’au village. Et s’il n’y a pas de sources, on fera un forage!
Toutefois les villageois ne comprennent pas forcément pourquoi l’U.E.à besoin de leurs 500 dirhams par famille?
Difficile de leur expliquer que le versement de cette somme, qui n’est certainement pas dérisoire pour chaque famille (c’est le prix d’achat, chaque année, d’un mouton pour le sacrifice de l’Aïd El Kebir) est sensé marquer par leur implication financière dans le projet, leur appropriation des installations, qui est supposée se traduire à l’avenir par une gestion et une maintenance des équipement saine et raisonnable.
Les animateurs sociologues reprennent ensuite le micro, pour expliquer qu’un agent de l’ONEP – Office National de l’Eau potable – passera pour la collecte des cotisations familiales. Et quant à eux ils vont continuer à visiter les villages (450) et reviendront ici, à El Douar, peu avant la fin des travaux, pour aider les douaristes à s’organiser pour l’exploitation et la maintenance des instalations et pour la « formation à la santé ».

Bref, nous nous sommes quittés meilleurs amis du monde.

Mustapha
Mustapha est mon chauffeur particulier.
Après quelques jours de conduite et de discussions, Mustapha s’offre de m’aider à élargir le cercle de mes connaissances.
Pourquoi pas, tant il est vrai que solitaire, les soirées d’hiver en station balnéaire surpeuplée en été et déserte en hiver sont parfois longues et délétères.
Une surprise est prévue ce soir vers 19h.

A l’heure dite, toc, toc, toc, qui frappe à la porte? Suprise, surprise,voilà Mustapha accompagné d’une superbe créature de rêve. Je ne m’étendrais pas sur les présentations, mais plutôt, émoustillé par un désir soudain, je m’étendrai sur elle.
Voici donc la fameuse surprise promise par Mustapha, et honni soit qui mal y pense, je n’y avait certes, pas pensé.
Mustapha comprend que pour un coup d’essai, ce fût un coup du maître. Il décida, séance tenante de le réediter le plus souvent possible. Et c’est ainsi que pendant deux années, de jeunes et fort jolies filles/femmes défilèrent dans la villa du prédateur que j’étais devenu uniquement par la faute de mon chauffeur.
Lors de mes soirées de récupération, mes amis Hamida et Kofi me rejoignaient à mon lupanar, où tout en buvant moult verres de rosé du Pays nous tenions des séances de Brain Storming, qui aboutirent à la stratégie de communication transculturelle décrite plus haut et que nous avons baptisée l’ECNTIC. Pour rappel: Information Education et Communication par les Nouvelles Technologies de l’Information et de a Communication.
De fait tout était nouveau dans l’IECNTIC:
– Aller et rester dans les douars une partie de la nuit. Du matin jusqu’au soir.
– Communiquer famillièrement avec les douaristes, grâce à nos jeunes animateurs (Rachid, Raja, Khadija…) et, cerise sur la gateau, avec Hassan le « Halquihia ». Ce petit monde s’entendant fort bien:
les sociologues pour le fond, et Hassan pour la forme.
– Faire du cinéma walk in’, (not driv’in), après la priére du soir, en projetant le film de leur douar, dont eux les douaristes. étaient les acteurs.
– Informer par l’échange, la discussion, le débat entre toute la population du village et notre équipe, sur leurs problèmes de l’eau.
– Respecter une mi-temps de 10 mn, pour favoriser la compréhension de leur situation actuelle et instiller les motifs de notre venue.
– Projeter enfin le film institutionnel décrivant les tenants et les aboutissants du projet d’alimentation en eau potable de leur village.
– informer de la suite des opérations

Je peux le dire nous avions l’inverse de la chanson d’Eddy Mitchell: « pas de boogie woogie, avant la prière du soir », puisque notre IECNITIC, c’était un sacré Boogie Woogie, aprés la prière du soir.
https://youtu.be/jR5Y1btI5lAH

Hamida
Il était une figure incontournable de la station balnéaire de Haroura plage. Il y tient depuis depuis sa retraite, le Call Center qui permet aux habitants de téléphoner à l’international. Ayant travaillé, sa vie durant, à l’ONCF, l’Office National des Chemins de Fer, en étroite collaboration avec la SNCF, il affectionne particulièrement la fréquentation des citoyens français.
Et donc, assez rapidement nous avons fait connaissance, sommes devenus amis et finalement inséparables. Comme j’avais un bon salaire, et un bon coeur je mettais facilement la main à la poche: nous buvions souvent, le soir à la terrasse du « Miramar » le bon vin du Maroc; au début un verre pour commencer puis… une bouteille pour continuer.
Son ami Kofi nous y rejoignait de temps en temps pour picoler et puis comme il était plus confortable et moins ruineux de boire chez moi, ils venaient m’y retrouver tous les soirs. Alors se posait, notament pendant le mois de Ramadan, la question de l’achat des bouteilles de vins, que l’on trouvait au supermarché Marjane. Et comme mes petits copains avaient honte ou risquaient carrément la prison, il fallait bien que ce soit moi, le kafir, qui aillent aux achats.
Chez Marjane, il y a une salle réservée à l’entrepôt et à la vente des boissons alcoolisées, et de notre trio, moi seul pouvait y entrer après avoir été dûment enregistré dans un registre tenu par un inspecteur de police. En outre celui-ci conservait mon passeport pendant mes achats, et me le rendais à la fin, non sans avoir enregistrée la liste des dits achats.
Pendant ce temps Hamida et Kofi, restaient, à proximité derrière les caisses uniquement dédiées au paiement des alcools. Caisses dédiées pour soustraire les bouteilles à la vue du public, afin de ne pas les outrager dans leur stricte application, obligatoire du Coran.
D’autres fois durant les longues et froides soirées d’hiver, nous faisions le tour des rares établissement ouverts. Le mois de février était le plus froid de l’année, avec des grêles fréquentes. Un soir à l’entrée d’un restau, que nous appréciions pour sa grande cheminée (ici, tout le monde se chauffe au bois), Amida glisse sur les grelons et tombe à la renverse au milieu d’une petite marre d’eau glaçée. Il est comme les habitants de Cugelle ( petite ville du sud dela France), il est cugelé. Nous nous concertons: pas question d’annuler notre dîner, et d’autre part s’il rentre chez lui sa femme ne le laissera pas ressortir. Une seule solution: le feux de bois pour sécher son pantalon! Heureusement, il n’y a personne à l’intérieur, on s’installe près du feu, Hamida enlève son pantalon le met a sécher. Il restera en slip toute la soirée et et ne remettra son pantalon qu’après les apéritifs, le repas arrosé de rosé (des belles crevettes bien rouges en abontance), et le café.