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Maroc

Retour à la maison

J’enchaîne les deux vols Madagascar- Marseille-Rabat, et je me dirige vers le parking de l’aéroport, désert à minuit, à la recherche de mon véhicule. Comme d’habitude, je mets un certain temps pour le retrouver parmi les secteurs numérotés qui se ressemblent tous. Je n’arrive pas m’y retrouver malgré le numéro de la place sur le ticket que j’ai gardé au frais pendant tout mon périple. Une fois de plus, je me retrouve en plein milieu de la nuit dans un parking désert; ça m’arrive assez souvent car les vols de la France vers l’Afrique sont tardifs. Au Maroc, ou ailleurs, seul avec sa valise, à minuit, dans un immense parking désert, ce n’est pas une situation enviable.
Mais, finalement ça s’arrange et, je finis après une bonne demi-heure par retrouver ma Clio. Soulagé, je fouille dans mon bagage à main, puis dans ma valise, sans arriver à mettre la main sur la clé de contact. Dépité, je remarche vers l’aéroport, désert, où je m’enquiers d’un taxi.
Pas possible, m’explique un vigile: après l’arrivée du dernier vol, tous les taxis, les pleins comme les vides, s’en retournent en ville. Ne connaissant personne pour venir me chercher, sans taxi ni hôtel à l’horizon, vais-je être obligé de dormir sur un banc dans le hall de l’aéroport? Perspective peu réjouissante…
C’est alors que, par miracle, un taxi apparaît, s’arrête près de moi, et le chauffeur m’invite à monter, et entr’ouvre la porte avant. Il y a déjà deux passagers à l’intérieur.
« Bonsoir messieurs, comment aller vous? »
Ce sont des français, ils vont comme moi en ville. Pas de problème, on partagera le prix de la course. « OK, alors on y va. »
J’engage la conversation avec le chauffeur: « J’ai perdu une bonne demie heure, sur le parking, tout le monde est parti, c’est une sacrée chance de vous trouver ici! ».
Silence.
Je me tourne vers les deux passagers à l’arrière: « N’est-ce pas? ».
Silence gêné. Je les reconnais, tous les deux: au départ, à CDG, ils étaient tout proches de moi, dans le bus qui nous amenait à l’avion, sur le tarmac.
Le plus agé répond finalement: « on vous avait vu partir sur le parking, et ne pas revenir; alors on a décidé de vous attendre ». Et moi je réponds « c’est sympa. Merci ».
Mais je ne peux m’empêcher de penser que ça ressemble une nouvelle fois à une filature…Psychose à nouveau.
Alors le chauffeur « où vous dépose-t-on? »

Et moi, toujours affable:

« Je vous en prie, déposez ses messieurs d’abord. Moi je dois traverser toute la ville pour aller vers Temara ».
Cependant les autres insistent et continuent d’insister pour qu’on me dépose en premier.
Puis je discute avec le chauffeur, je lui raconte un peu ma vie…mes aventures récentes à Madagascar. Ce quitte me frappe alors, c’est que les passagers de derrière, arrêtent de parler, se déplacent vers le centre de la banquette et basculent leur buste vers l’avant, ce qui les amènent en meilleure position pour mieux entendre ma conversation.
Ils interviennent une nouvelle fois pour qu’on me dépose en premier. Dont acte!
Mais qu’elle n’est pas ma surprise de voir que le chauffeur ne prend pas du tout la bonne direction, celle de Témara!
Je lui en fais la remarque un peu rudement, à la mode marocain énervé. Il a l’air surpris de voir que je connais bien Rabat. Et le ton que j’ai employé à son égard, lui fait comprendre aussi que je connais bien le Maroc, et les marocains.
Du coup finalement, les autres lui demande de les laisser en ville, à l’hôtel qu’ils avaient réservé. En route, les voilà qui clament qu’ils ont rendez vous demain matin de bonne heure, avec je ne sais quel Général. Ils essayent de faire comprendre qu’ils sont chargés d’une mission très importante (?).
Bref on les dépose dans leur hôtel, très modeste pour des personnes si infatuées de leur importante mission.
On les dépose et je continue avec le chauffeur auquel je peux parler franchement.
« Tu les connais ces deux là »?
« Non, première fois ».
« Et pourquoi tu m’as attendu, avec ton taxi? »
 » Ca vient pas de moi, c’est eux qui ont insisté. On est resté cachés derrière le virage à la sortie de l’aéroport ».
« Tu sais, j’ai bien compris qu’ils voulaient m’emmener quelque part. Mais où? »
Silence gêné.
J’insiste: « demain je retourne à l’aéroport pour récupérer ma voiture. Je vais parler de toi et de ton taxi à la Direction de l’Aviation Civile, et leur expliquer comment tu accueilles les voyageurs avec tes combines. Et puis j’irai aussi déposer au Commissariat de Haroura, je les connais tous depuis plus de deux ans. Je voudrais te dire aussi que je travaille à l’ONEP, qui protège ses experts étrangers de toutes vos combines ».
« Ca va, t’as compris, ou je continue? ».
 » Pardon, pardon, Monsieur. Je ne sais pas, ils avaient un plan, ils m’avaient prévenu, et donné un billet de 100 dirhams ».
« Ah oui? alors montre un peu! ». Effectivement, il sort le billet de sa boîte à gants.
« OK. J’aicompris. Dépose moi à Haroura plage ! »

Je monte quelques marches et je toque à la porte.
« Achkoun? », « Achkoun ada? ».
« Ana, Ana Xavier »
 » Salamalekoum Habibi, Labass alik? ». Hajiba jette ses bras autour de mon cou et m’embrasse tendrement. Waouh!
Tout le monde à l’air content, je dirai même soulagé de mon retour, que l’on n’espérait plus à cette heure tardive.
Pendant qu’Hajiba, qui sent l’alcool à plein nez, reste collée à mes lèvres, minaudant des « Habibi », des « Habibata » et autres douceurs, je sens comme un picotement au niveau de mon coeur. L’amour, les sentiments, l’émotion? Pas vraiment!
« Allez ! voilà qu’elle cherche ma carte bleue dans la poche de ma chemise..! »
Puis elle m’entraîne à l’étage, dans notre grand lit, où malgré ma fatigue, je savoure les joies, et les plaisirs, des retrouvailles après une semaine d’absence.
Simple précaution, je garde ma chaussette gauche, dans laquelle je viens de glisser ma carte de crédit.
Le lendemain, au petit déjeuner, j’explique à Hajiba et à Hanan que mon divorce est pour bientôt, et donc que notre mariage pourrait être organisé prochainement.

 

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