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Tahiti

LBTP

Laboratoire technique du bâtiment et des travaux publics.

Grace à l’argent gagné, par le secteur privé, avec la clientèle du Centre Expérimental du Pacifique (CEP), la ville dePapeete change de visage; les vieilles, mais pittoresques maisons en bois, de plein pied, sont remplacées par des immeubles modernes à étages, construits généralement en béton.
Les études de fondations de maisons, d’immeubles, de ponts, et de routes étaient du ressort du LBTP, qui disposait de matériels modernes, et d’un laboratoire richement doté, pour des mesures effectuées sur le terrain, ou sur des prélèvements intacts des sols de fondations. Ceci permettait les calculs de dimentionnement des fondations des immeubles : radiers, semelles ou des pieux profonds.
Ces derniers étaient souvent requis, parce que les sols de surface de la plaine côtière, sur laquelle avait été construite Papeete, étaient des limons vaseux mous.
Par exemple l’actuelle poste a été fondée sur une forêt de pieux souterrains d’un mètre de diamètre, et de 25 mètres de profondeur, pour atteindre une couche de sable noir compacte. Ceci a été le cas de la plupart des immeubles à étages construits à cette époque.

Détaché à l’Office du Tourisme

Ma nouvelle mission débute par une visite, avec Philippe, au Directeur de l’Office du tourisme. Il y a un vaste programme de développement du tourisme, qui s’élabore par touches successives. Chacune étant la volonté d’un investisseur de construire un hôtel dans les îles (Moorea, Raiatea, Huahine, et surtout Bora-Bora qui jouit en Amérique d’une excellente réputation, importée par les JI rentrant de la guerre contre le Japon, qui prend fin avec la reddition sa réédition, suite aux bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki.
Il s’agit donc donc, pour le Territoire, de mettre à disposition des investisseurs des installations produisant de l’eau potable pour leurs hôtels.
Avant mon arrivée M. Petit, géologue avait passé deux années à reconnaître le potentiel hydrogéologie de l’île de Tahiti, des archipels. Il avait remis un rapport, s’appuyant sur les campagnes de forages réalisées, sur ses directives par l’entreprise française Bachy. Ce rapport se concentrait en particulier sur l’alimentation en eau de Papeete, et une batterie de forages horizontaux avait été réalisée avec succès au fond de la vallée de la Fautaua, qui dominait Papeete. 
Quelques forages verticaux avaient aussi été réalisés dans les îles concernées par le développement touristique. Mais avec moins de succès. Les communes alimentées par des captages de source en montagne, ne bénéficiait en général que de ressources saisonnières:
– en saison des pluies, une eau abondante mais boueuse
– en saison sèche une eau claire mais d’un débit limité.
Pour en revenir aux hôtels potentiels il fallait donc leur trouver une ressource en eau individuelle.

Alors je passais pas mal de temps avec René, l’ingénieur des TP, en reconnaissances de terrain à la recherche de sources en montagne, ou du moins de sites de captage sur rivière à une altitude suffisante pour alimenter par simple gravité les hôtels potentiels. Une fois la “source” localisée il nous restait à faire le projet: plans du captage, calcul des canalisations (longueur, diamètre), emplacement d’un réservoir de stockage. Puis à réaliser les travaux, après consultation des entreprises par appels d’offres administratifs. Et enfin, cerise sur le gâteau, on mettait à l’emplacement projeté de l’hôtel, un pressiométre enregistreur, mis au point par René, pour vérifier la pertinence de la pression d’eau délivrée à l’hôtel.
C’était plutôt sympa, on prenait le bateau ou l’avion pour aller dans les îles où le subdivisionnaire des Travaux Publics nous conduisait vers des sites à priori favorables, indiqués par le population. On avait nos appareils de mesure de terrain: un altimètre (c.a.d. un baromètre gradué en mètres de hauteur), et un topofil pour mesurer les longueurs (c’est un appareil ingénieux dans lequel à partir d’une extrémité accrochée à un arbre, une bobine de fil se déroule lorsque l’on marche, en entraînant un compteur métrique). Pour mesurer le débit des rivières, on avait à remplir un gros bidon (un drum de 240 litres) vers lequel on détournait l’eau, le plus souvent avec des feuilles de bananiers. Le plus dur était de monter le bidon jusqu’au captage/source. Quant il pleuvait “en brousse” on utilisait aussi des feuilles de bananier, comme protection, mais il fallait mieux enlever son teeshirt, le rouler et le mettre au sec dans un sac plastique. OK, on étaient trempé, mais ça séchait assez vite.
Et là, la température extérieure montait à toute allure. Après la pluie, le beau temps. Beau et chaud!
En tout cas, René arrivé quelques années avant moi à Tahiti, avait su composer l’équipement nécessaire et suffisant pour élaborer des projets d’alimentation en eau (pour des débits réduits mais à l’échelle des besoins hôteliers).

Le lac Vaïhiria un site de captage envisageable

Dans chaque mairie, il y avait une équipe dédiée à l’entretien des captages (surtout le nettoyage des boues sur les captages; et parfois dans les tuyaux). Les équipes étaient payées en régie, sur le budget communal, et l’eau était gratuite aux robinets dans les maisons et bientôt dans les hôtels. L’eau allait rester gratuite comme ça, encore des années. 

Voilà, voilà, on avait comme ça, une vingtaine d’hôtel de prévus, dont certains les pieds dans l’eau, sur la plage. Et d’autres carrément sur des îlots ( appelés en tahitien des motus – prononcez motous – dans le lagon). Et là, pas de montagne, pas de cascade, pas d’eau.
Pourtant il était connu qu’une réserve d’eau souterraine, une nappe phréatique, était présente sur chaque motu. Ainsi dans l’archipel des Tuamotus, les habitants (appelés Paoumotu) récoltaient sur leur toit, en premier lieu les eaux de pluies, (couverture végétale en pandanus, ou en feuille de cocotiers tressées, ou encore en tôle ondulée), mais creusaient aussi des petits puits, peu profonds, non pas pour la boisson, mais pour le lavage et l’arrosage. Quant à l’eau pour boire et cuisiner, c’était l’eau de pluie, que les mamans filtraient et faisaient bouillir pour la désinfection. C’était nécessaire car cette eau de pluie pouvait rester des mois dans les réservoirs familiaux. 
Donc notre stratégie pour l’eau potable était foncièrement différente. Nous voulions en savoir plus sur cette nappe phréatique dans les atolls et les motus.

Dans un premier temps, la reconnaissance de la nappe phréatique sur un atoll est relativement simple (mais nous l’approfondirons plus tard, pour avoir beaucoup plus de précisions). Pour le moment nous nous contentons de comparer la hauteur de l’eau au centre de l’atoll, par rapport à la hauteur de l’eau dans le lagon. Ce qui peut nécessiter d’enregistrer les variations de niveau dues à la marée dans le lagon. Il faut donc un appareil enregistreur: un limnigraphe. Cela n’a jamais dérangé les requins qui tournent autour, dans le lagon, mais ça nous dérangeait un peu quand même quant il fallait à pied, aller récupérer les enregistrement… A suivre.

C’est l’époque où les pensions de familles commençaient à éclore dans les atolls. Le premier gérant d’une pension à nous avoir consulté, pour l’alimentation en eau fût Coco Chaze à Manihi. 

On lui proposait de faire un puits, d’effectuer un essai de pompage, et de mesurer avec un niveau optique de chantier la différence de niveau entre l’eau douce dans le puits et l’eau de mer dans le lagon. 
Si cette différence est nulle, alors il n’y a pas de lentille d’eau douce. Et le puits ne donne que de l’eau salée. 
Par contre si la différence est de 44 cm, par exemple, alors il y a de l’eau douce souterraine sur une profondeur de 44 x 27 soit 12 mètres, ce qui dénote déjà l’existence d’une lentille d’eau douce jusqu’à 12 mètres de profondeur. C’est rassurant et ça autorise le pompage chaque jour d’une quantité d’eau douce non négligeable, suffisante pour alimenter une pension de famille en eau de lavage, de cuisine, d’arrosage pour des petits jardins potagers.
Pour la boisson, il restait à utliser l’eau de pluie captée sur les toits et stockée dans les citernes, qui elle ne sentait pas le corail. L’effort à donc porté sur l’amélioration de la conservation de l’eau, dans des citernes plus modernes et hermétiques que les ancestrales citernes en béton (de corail!).
Cette solution de pompage dans le lentille d’eau douce convenait bien aux Tuamotus. 

Puis en faisant des puits sur des motus de plus grande surface, il nous est venu l’idée de proposer aux communes d’y pomper, non plus pour alimenter une pension de famille mais pour alimenter carrément toute l’île haute. Voir les exemples de Bora Bora, de Maupiti et de Tetiaroa avec Marlon Brando.

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Mais dans ce cas, il nous faut être beaucoup plus précis.
En effectuant une recherche bibliographique sur le sujet, je tombais sur un article israélien au sujet de la nappe d’eau douce flottant au dessus de l’eau de mer sous forme de ce qu’ils appelaient “le coin d’eau douce”, car leur nappe n’était pas sur une île au milieu de l’océan pacifique, mais plutôt sur la côte sableuse au bord de la mer méditerrannée, le long de laquelle l’eau de pluie infiltrée repoussait l’eau de mer.

Le cas cité, n’était pas exactement semblable au nôtre. 
Par contre ils avaient employé la méthode électrique pour déterminer la profondeur et le profil de leur coin salé.
Et je me suis dit que moi aussi j’allais employer la méthode électrique sur les atolls et les motus. M. Moussu, un des pontes de la géologie au BRGM (Bureau de Recherche Géologique et Minière), en mission à Tahiti, me demandait comment j’avais pu avoir cette idée d’exploiter la lentille d’eau douce à Bora Bora, qu’il avait eu lui aussi quelques années auparavant, mais qu’il gardait en secret, en attendant la meilleure occasion d’en faire part aux autorités de la Polynésie Française. Il m’en voulait peut être un peu de l’avoir précédé. Néanmoins, beau joueur, il me donnait l’adresse du Centre de Recherche Géophysique de Garchy, où je pourrais me procurer le matériel pour mes campagnes de reconnaissance par sondages électriques dans les atolls et les motus.
Le moment était venu pour moi de quitter l’ office du tourisme et le LBTP. Pour voler de mes propres ailes.

Et ce fût la création de Labotech S.A.

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