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Psychose à Paris

« Bonjour M. Meyer, bienvenue à bord »: Deux hôtesses m’accueillent et me chantent en chœur :« Toute ma vie j’ai rêvé, d’être une hôtesse de  l’air »« Toute ma vie j’ai rêvé, d’avoir les fesses…en l’air! »
L’avion se pose à Paris CDG, vers une heure du matin. Il fait un froid de canard, et je me les gèle en marchant vers l’hôtel. Je n’ai sur moi, qu’une veste en blue jean. Je ne suis pas rassuré, car le long du parking, une Mercédès roulant au ralenti paraît me suivre de loin, jusqu’au tunnel pour piéton, derrière lequel est situé l’hôtel Mercure.

La journée avait été longue, et épuisé je m’endors, avec une pensée lancinante : Comment payer ma chambre demain matin ? Je n’ai pas d’euros, rien que 250.000 CFA, qui ne valent pas un sous ici-bas.
Le lendemain matin, j’essaye de joindre tante Francine ou Tonton Paul, mais ils sont toujours aux abonnés absents. Et je n’ai plus de crédit sur mon portable et je n’ai pas d’argent ! Et ma carte sénégalaise n’est pas opérationnelle. Que faire ? Je m’adresse à une personne d’allure bienveillante, et lui explique mon problème après mon arrivée du Sénégal, hier soir à deux heures du matin. Sympa, il me tend son portable. Dernier recours, j’appelle mon frère Olivier, au secours. Pas de réponse, ça ne s’arrange pas je m’enfonce. Je rends son téléphone à son proprio, et celui-ci me demande avec bienveillance si j’ai obtenu satisfaction ? “Partiellement seulement: personne ne m’a répondu. J’ai peur qu’ils soient tous partis en week-end. Mais j’ai laissé un  message à mon frère. Merci encore pour votre bienveillance“. Coup de chance, après le petit déjeuner, le caissier de l’hôtel se révèle compréhensif et accepte mes CFA ; avec toutefois un taux de change très défavorable. N’ayant pas les moyens de faire la fine bouche j’ai bien du accepter, contraint et forcé. Me revoilà donc, sortant de l’hôtel, et je me les gèle encore, ma valise en carton de chez Vuitton à la main. J’ai la surprise de revoir, malgré la brise, le gentleman d’hier soir, assis sur le trottoir, à mon grand désespoir. À la gare du TGV, je prends le train pour Paris, puis le métro pour la station Brancion, à proximité de laquelle habite mon oncle Paul. Je dois sortir face à la brasserie, je monte l’escalier et rentre dans  le bar-restaurant. Pour me réchauffer, je me commande rapidement un café au comptoir, puis je paye et me dirige vers le marché du dimanche sur les trottoirs du Boulevard Brune. Il est déjà en train de se replier. Le temps passe…il va déjà être l’heure de déjeuner. Je retrouve l’immeuble de l’oncle Paul, le bouton sur le panel, je sonne et prête l’oreille, rien, rien;  toujours et encore rien de rien ! Ça m’étonne vraiment, la fête a-elle été annulée, ou bien quoi alors? Je retourne au bistrot, un pastis au comptoir et je commence à discuter avec le patron. Puis c’est maintenant l’heure du déjeuner et je commande un magret de canard au miel, une spécialité de la maison, un peu sucrée, il est vrai. Pendant que je mange, j’observe une voiture de police qui se gare ; un inspecteur en sort qui se dirige vers le bar, et va tout droit au comptoir. Il discute un moment avec le boss, et je note que l’espace d’une seconde ils me ciblent du regard. A la fin du repas, je m’offre une glace, et je termine par un café, et un pousse café. Enfin, après avoir réglé, je me saisis de ma valise fait quelques pas décidés en direction du métro. Hélas, au bout de quelques mètres, je m’écroule sur le trottoir, saisi d’une crampe très douloureuse à mon mollet droit ! Incapable de bouger. De plus le froid vif de cette journée d’hiver, s’insinue sous ma veste trop légère. Nombreux sont les gens émergeant du sous sol, par vagues successives , qui passent et  s’écartent de moi sans un regard. Seule, une jeune femme, sportive et attrayante, monte avec son vélo, sur le trottoir et vient parler avec moi. « Hello, whats happening to you ? What’s your  problem ? » « What do you do lying on the ground? » Puis elle sort son portable : «Do you want me to call the firemen ? » Alors je la remercie de l’attention qu’elle me porte et lui explique, in english, que je suis diabétique, et que suite à mon déjeuner trop sucré, j’ai des crampes au mollet (calf cramps) ; et que je ne peux pas me relever. Mais j’ai confiance, ça va s’arranger. Elle reste près de moi un moment. Puis dix minutes après, me voilà capable de tourner de 90°, mon corps allongé, et de redresser mon buste pour me retrouver assis. Rassurée elle me salue, me souhaite une bonne journée, et sur son vélo, pédale vers l’avenir. 

“Thank you very much, dear Mademoiselle “. “And god save your Queen “. Je me relève et retourne au bistrot. Le patron :« encore vous ! »Je lui raconte ma petite histoire, et lui demande où je peux trouver un taxi ?  Pas de problème, il va m’en chercher un juste en face et m’offre un café au frais de la maison, pour me remonter un peu. «  le taxi, c’est pour aller où ? »  “Avenue  d’Italie, angle rue du Château des Rentiers “. Je vais en effet aller chez tante Francine, voir  si elle peut, quoiqu’il en soit, m’héberger pour cette nuit. J’apprécie la compagnie de ma tante, qui me reçoit toujours bien lorsque je reviens d’Afrique ; à mon arrivée, elle me demande toujours de lui remettre mes affaires sales, particulièrement mes slips, pour les laver rapidement et les suspendre dans la salle de bain, où ils sèchent envieuse, dans son bel appartement chaud.

J’avale le café, le patron revient, c’est ok avec le taxi, il connaît le chauffeur, y a pas de problème. Mais le chauffeur ne connaît pas cette rue, et il faudra que je le guide le long de l’avenue d’Italie. Arrivé au rond point de la place d’Italie, je ne m’y retrouve pas du tout. Je n’arrive pas à me décider sur l’avenue à enquiller, et au bout de plusieurs essais, facilement une demie heure, le chauffeur commence à s’énerver. Je lui demande alors de me laisser place d’Italie, je me débrouillerai peut être mieux à pied qu’en voiture où je n’arrive pas à repérer. Effectivement, je suis beaucoup plus sûr de moi et finit rapidement par trouver la rue Château des Rentiers, où je trouve facilement l’immeuble de ma chère tante. Par contre je n’ai pas son code…et le concierge n’est pas disponible ! Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, j’attends devant l’entrée de l’immeuble, l’arrivée d’un locataire…

Et il arrive, tape son code, la porte s’ouvre et je lui explique mon problème, pour qu’il me laisse rentrer. Francine habite au 9ème étage. Je prends l’ascenseur. Je suis seul dedans lorsqu’une belle élégante s’introduit en vitesse. Je tape sur le 9, et l’élégante sur le 10. Au moment où j’atteins le 9ème étage, je suis saisi d’une envie pressante. Pourvu que Francine soit chez elle ! Hélas arrivant au 9ème je fais le tour des appartements et finis par trouver celui de Francine. Je sonne, personne ne répond. Mon envie se fait de plus en plus pressante ! Et soudain je réalise que Francine n’ habite pas au 9ème, mais au 7ème dans l’angle gauche en face de l’ascenseur. Prenant l’escalier de secours, je descends en vitesse au 7ème et je sonne. Personne ! Décidemment ce n’est pas mon jour.

Mon envie de déféquer est à présent tellement pressante qu’une première salve m’échappe. Ce n’est pas grave, une petite crotte, en forme de pyramide cohérente gît au pied de mon pantalon. Elle avait donc trouvé son chemin entre ma jambe et celle de mon pantalon. Je suis à coté de l’ascenseur lorsque la porte de l’escalier de service s’ouvre, et ma surprise est grande de voir la belle élégante surgir toute essoufflée. Muette, elle me regarde, regarde à mes pieds et son regard se fixe sur la petite pyramide de merde cohérente. Elle paraît stupéfaite et désorientée. Apparemment il y a quelque chose qu’elle ne comprend pas ! A ce moment précis, la pression dans mon colon est trop forte et bien malgré moi je lâche tout devant la donzelle. Après un moment de stupéfaction, elle me  paraît se ressaisir, voire être soulagée, satisfaite. Elle appelle l’ascenseur. Satisfait moi aussi, si l’on peut dire, mais pressentant une nouvelle magouille de l’Organisation dans cette diarrhée aussi inopinée  qu’inopportune. Je descends donc par les escaliers, et je m’aperçois que j’ai une galette collée entre mes fesses et mon pantalon. Et ce n’est pas la galette des rois, sinon celle du roi DEC. En remontant l’avenue d’Italie, vers le métro de la place du même nom, je croise un groupe de quatre flics portant tous un même blouson, marqué “Police“ en grosse lettre, dans le dos. Ils passent tout prés de moi en me regardant, un sourire narquois aux lèvres. Ils se foutent de ma gueule. L’un d’eux regarde sa montre sans s’arrêter de marcher, et déclare à ses comparses, assez fort pour que je l’entende : « A l’heure qu’il est, il a déjà dû livrer son paquet ! ». « D’ailleurs regarde comment il marche ! »
C’est clair et net ? Et même net et clair. Non ?

Je décide de revenir à Brancion par le métro. Les gens s’écartent de moi en me regardant bizarrement. Jusqu’au moment où un gars, un titi,  m’apostrophe tout haut : «  Dis donc Papa, on dirait que t’as une sacrée galette dans ton falzar ! » J’aurais bien voulu me transformer en escargot pour disparaître dans ma coquille. Mais c’est la Vie, la roue tourne…Inutile de s’en faire, on ne lutte pas contre la Vie. Je reste donc stoïque comme Epictète, plus facile pour lui qui n’avait jamais pris le métro. Et je transcende cette expérience qui n’est pas donnée à tout le monde…Il faudra que je la raconte dans un livre, ou que je fasse une conférence. Arrivé à Brancion, je descends aux toilettes du restau, je me nettoie tant bien que mal, mais sans eau je ne peux pas faire de miracle. Et je reste avec une solide odeur chevillée au corps, ou plutôt au cul. J’ai envie de déféquer à coté du bidet pour me venger. Je suis persuadé que le patron et le flic ont monté et piloté toute cette histoire, rien que pour me faire…chier !

Depuis Brancion, il me faut marcher un petit kilomètre pour atteindre un hôtel Ibis. C’est le patron du bistrot qui me l’a expliqué. Et tout ça avec ma valise en carton de chez Vuitton. Arrivé à l’hôtel, je redoutais le pire (pas de chambre, ou bien on n’accepte pas les clodos etc.) mais tout se passe bien et finalement j’intègre une chambre (ils m’ont demandé cependant de payer ma nuit à l’avance, me lessivant de mes derniers euros). Je me douche, je lessive, et j’étends…Et je m’étends sur le lit pour faire le point : La situation n’est pas brillante, je n’ai pas un sous, et mes soutiens familiaux parisiens ont disparu. D’autre part, l’Organisation , on l’a vu, met le paquet pour continuer à  m’emmerder. Demain en sortant de l’hôtel, je suis mort : Grivèlerie, police, détention etc. ? De plus pendant ma marche  à pied vers l’hôtel, j’ai bien remarqué deux Mercédès qui me suivaient, roulant doucement le long du trottoir. Mais la Baraka revient, à point, une nouvelle fois : Je jette un œil sur mon iPhone  et j’y trouve un message de mon frère. Il est monté lui aussi à Paris pour l’anniversaire de Paul, et il m’a laissé son n°. J’appelle, miracle il me répond. Ça fait un bail qu’on ne s’était vu. La dernière fois, c’était à Marrakech, où j’étais aussi dans la panade entre ma danseuse, sa sœur et  Hachim, sans parler des chauffeurs, et de l’affreuse Organisation à mes trousses… Dur, dur…Et de la police française qui participe aux réjouissances avec la meute. Olivier est avec sa femme Régine, et il passeront me prendre à 20 h, à l’Ibis Brancion. Je lui demande aussi s’il peut m’amener un vêtement chaud, car en plus de mes déboires, je me les gèle, grave, depuis  24 heures. En attendant je me prépare pour la soirée. Nous allons prendre l’apéro au bistrot à la mode : Chez Armani, le fameux couturier italien. L’ambiance est intellectuelle, et les contacts faciles et décontractés. Les échanges amicaux sont recherchés, feutrés et intéressants. En l’espace d’une heure, nous discutons avec je sais plus qui, de je ne sais plus quoi….Comme Olivier et Régine on déjà déjeuné ici, à midi, nous décidons de changer de crémerie et migrons vers le boulevard Saint Michel. Bien emmitouflés dans nos anoraks, nous allons chercher le calme sur la terrasse, et nous attaquons par des huîtres etc. Je remercie Olivier pour le billet Dakar/Paris qu’il m’a offert, avec le plaisir rare, de retrouver toute la famille. A ce propos, Olivier qui m’avait posté 1000 euros pour acheter le billet (500 euros) me fait part de son étonnement lorsque quelques jours après je lui demandais une rallonge identique. Moi-même j’avais été étonné de me retrouver rapidement sans un sou. Cela semble étayer mes soupçons de vol, à l’extérieur comme à l’intérieur de la maison. Puis nous parlons de notre famille éclatée Olivier en France, Pascal en Chine depuis de nombreuses années, et Xavier en Afrique sans qu’on sache exactement où. Et pour une fois Régine n’a pas envie de cibler la discussion sur mes frasques sexuelles scandaleuses (selon elle) en Afrique. A la fin de ce bon repas, dans une excellente ambiance, et sans excès de boisson, Régine souhaite qu’on la ramène à son hôtel par discrétion : ça permettra aux deux frères de discuter plus librement entre eux. Une fois Régine déposée, Olivier m’emmène dans un café concert, l’Éléphant bleu à proximité des Champs-Élysées. J’y danse avec quelques beautés tahitiennes exotiques, et Olivier me suggère d’en ramener une à l’hôtel Ibis. Très fatigué par mes dernières 24 heures, je décline son offre…Et puis je suis un garçon sérieux, n’est-ce pas ? Alors après avoir finalement bien bu et bien mangé, avec la peau du ventre bien tendue, bien discuté ensemble, nous regagnons nos pénates. Le lendemain matin, Olivier avec Régine, passent me prendre à l’Ibis, et règle mon addition, puis nous nous pointons à l’anniversaire de  Paul : il a 80 ans. Paul n’était pas au courant de la fête qui lui était faite. Il arrive dans le salon de l’hôtel ou la famille et tous ses amis l’attendaient. Comme d’habitude il est très bien habillé, et nous l’applaudissons lorsqu’il fait son entrée. Avec surprise il découvre des amis qu’il n’a pas vu depuis longtemps, puis ses proches, et ceux avec lesquels il a gardé des contacts tout au long de sa longue vie. Et il me découvre, franchement avec surprise, on ne s’est pas vu depuis le mariage de sa fille au Maroc, il y a douze ans.
Bizarrement, au lieu de me serrer bien fort contre son cœur d’artichaut il commence par m’engueuler : Je suis mal rasé et fagoté comme l’as de pique. Évidemment, ça n’est pas étonnant si l’on est au courant de mes activités, ces deux derniers jours. Mais lui, ne l’est pas. Évidemment je ne cherche pas à me justifier, et je vais l’embrasser. On passe à autre chose, avec tous ces convives, il y a de quoi discuter toute la journée. A la fin de la réception, je rentre avec Francine qui va m’héberger pendant deux jours. Elle s’écroule en sanglots quand je lui demande des nouvelles de mon cousin Pierre Marie (il s’est suicidé, il y a quelques mois). Francine a invité chez elle, le lendemain mes plus proches parents et tous sont inquiets de mon avenir , puisque je rentre d’Afrique, sans projet concret. Tous me conseillent d’aller rejoindre mon fils Moana qui vient de s’installer à Tahiti. Encore une fois Olivier, met la main à la poche, et m’offre le billet pour rejoindre les îles. Une nouvelle vie va commencer, loin de la vie de nabab qui fût la mienne dans le continent noir pendant plus de 40 ans. Adieu veaux, vaches, cochon, pucelles et gazelles…Bonjour vahinés, guitares et cocotiers, Iles sauvages et plages blanches étincelantes, coraux et poissons multicolores….La Polynésie Française, pour un temps. Un homme n’est jamais fini. La vie continue. Olé!

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