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Mauritius

Ile Maurice

A l’atterrissage du Twinotter, j’ai la surprise de noter, encore une fois la présence du photographe à la gueule tordue que j’avais déjà identifié derrière mes baskets à plusieurs reprises. Pas plus tard d’ailleurs, qu’hier à midi au bar de Jeannette et des sept pétroleuses.                                      . 
Le passage en douane s’avère plutôt pénible : en ce qui me concerne je suis soumis à une véritable enquête : qui suis-je, où vais-je, dans quel état gère ?                                             …         
Je dois préciser le motif de ma visite, où vais-je résider ? la durée du séjour…et au fait, quel est le motif de ma visite ? Je vais chez mon cousin Julien                                           ! 
Ah, oui, Julien ? Et que fait-il ici ? Bla, bla, bla… .Je suis d’ailleurs inquiet de ne pas le voir à mon arrivée. Puis bizarrement cette enquête se termine brutalement. Le douanier me prie de bien vouloir l’excuser. Il pensait que je venais m’installer sur l’île…Franchement, tout ça me parait cousu de fil blancs.
Je sors donc et trouve un taxi, pour m’emmener à Cure-Pipe, la localité où habite Juju. Je n’en sais pas plus, mais en enquêtant par ci, par-là,  le taxi finit par trouver la demeure de Julien et sa petite famille. Une grande villa au bord du lagon. Je le retrouve avec plaisir. A Paris il habitait un appartement près de la porte de la Villette, non loin de la Cité des Sciences. Plusieurs fois, il m’avait hébergé, lorsque je zonais entre deux missions, dans l’attente d’une troisième. J’adorais passer mes journées à la cité, intéressé par toutes les expos.                                .
Et je découvrais la Géode, avec ses séances de cinéma, sur écran de 360°, où spectateur debout, j’avais parfois du mal à garder l’équilibre. Depuis que Julien et Awa, son épouse malienne, étaient installés à Cure-Pipe, j’étais le premier de la famille parisienne à leur rendre visite                        .                                     
C’était aussi l’époque des premiers hologrammes. 

Julien, très doué en informatique, avait monté à Maurice, avec deux ou trois copains une startup qui démarrait très fort, grâce à un logiciel conçu pour les sociétés d’assurances . Rapidement il avait gagné suffisamment d’argent pour se payer un bon appartement.
Il avait choisi de s’installer à l’île Maurice, alors réputée, pour la qualité de ses informaticiens, souvent émigrés indiens.  Et par les conditions favorables faites aux sociétés high-techs pour les attirer à Maurice. Car l’île Maurice, fameuse pour ses plantations de canne à sucre, ses plages de rêve et ses textiles colorés, ambitionnait de devenir un carrefour de la high-tech. Le gouvernement de Port-Louis redoublait d’efforts pour attirer les investisseurs français. S’inspirant de son grand frère indien, l’île, en quête d’un second souffle, s’oriente donc vers la high-tech.  Les lois du travail y sont flexibles, les charges sociales et les salaires y sont nettement inférieurs à ceux pratiqués en France. De quoi attirer les entreprises tentées par l’externalisation. D’autant que les autorités locales n’hésitent pas à exonérer les sociétés d’impôt, à détaxer l’importation de matériel informatique et à faire bénéficier d’allégements fiscaux les expatriés dotés de compétences technologiques.

Et puis j’ai rendu visite à mon ami Bertrand Du Pasquier, résidant à l’Anse Jonchée, que je n’avais pas revu depuis le Tchad, il y a déjà cinq ans. Je lui rappelle les circonstances de notre rencontre au Novotel de Ndjamena, la capitale du Tchad.Retour en arrière :  Nous sommes un dimanche matin à Ndjamena, et je décide de changer d’hôtel.

Je trouve en effet que l’hôtel Ibis, où je réside depuis plus d’un mois, n’est pas très confortable. Et je décide de m’installer au Novotel “la Gazelle“, situé à proximité, au bord de l’Oubangui. Une fois le transfert effectué, je vais me prélasser sur la terrasse qui domine le fleuve. Alors que je suis bien relax, sur mon matelas, je remarque un grand escogriffe en pleine discussion avec deux jolies poupées, bien bronzées, bien balancées. Leurs paroles remontent vers moi, et j’entends le mec prononcer des mots qui me claquent à l’oreille: “Baraka, Zaïre, réfugiés“. Ma parole, ils parlent de la zone d’Uvira, où j’avais exercé mes talents d’ingénieur hydraulicien, il n’y a pas si longtemps. J’étais alors en charge de l’alimentation en eau d’une vingtaine de camps de réfugiés situés le long de la rivière Ruzizi, au Zaïre. Et à Baraka, je m’en souviens, j’avais participé à une mission pour sélectionner des emplacements convenables en vue d’y déménager les camps de réfugiés rwandais de la Ruzizi, trop proche du Rwanda, une zone jugée dangereuse. Je réagi et me dirige vers ce petit groupe d’apparence sympathique: « Bonjour, excusez-moi de vous interrompre, je me présente: Xavier Meyer en mission au Tchad. Monsieur, vous connaissez Baraka au Zaïre et je vous entends parler de réfugiés. Seriez-vous ici pour le compte du HCR? Personnellement j’ai travaillé pour eux, dans la zone d’Uvira au Zaïre.“                                                   . 
Frère Bertrand: « Je connais bien Uvira ayant été en poste, à coté,
à Baraka pour coordonner des rapatriements de congolais venant de Tanzanie et du Burundi! Juste avant de venir à Ndjamena! et de te rencontrer ! » Et c’est parti pour un échange d’informations non-stop. Et j’ai fait ceci, et j’ai fait cela…etc. 

Moi: “HCR en Guinée en 1990 “                                                        . 
Lui: bla, bla, bla                                                   .
Moi: HCR au Rwanda en 1994                                                  . 
Lui : Moi aussi mais plus tard                                        ! 
moi: ONG Acted, et HCR en Albanie Kosovo en 2000                          .                                               Lui: à coté, en Slovénie, un peu avant….                                        

II me raconte à nouveau des anecdotes originales, qu’il a vécu le long du fleuve, pas si tranquille que ça, de sa vie professionnelle à Maurice comme à l’International.                        .

Première anecdote :

« Au début de mon séjour sur cette belle ile, j’ai investi mes sous dans un projet hôtelier” Le Canonnier” avec des partenaires suisses, français, anglais et sud-africains… Vivant à Maurice, je fus nommé directeur de notre compagnie hôtelière locale en charge de la mise en œuvre de ce projet.                                     !
J’ai évidemment été en contact étroit avec le Ministre du tourisme ” Sir Gaétan Duval, figure emblématique mauricienne ayant largement développé le tourisme et les relations franco mauri- ciennes..                                           
Gaétan Duval, avocat de métier,  grand orateur très imbu de lui-même, avec des mœurs douteuses mais très porté sur la jeune gente masculine…ayant sa propre garde prétorienne,  formée de policiers à sa botte, de gardes du corps “très près de son corps” et de voyous dit ” tapeurs”, pour exécuter ses basses œuvres. Il m’a souvent apporté son aide dans mes affaires privées. Ainsi, lui indiquant un jour qu’un mauricien auquel j’avais prêté de l’argent, refusait de me rembourser, Gaétan m’ a offert son aide pour me faire rendre mon dû ! Il y avait selon lui, trois possibilités.

– Que mon débiteur me rende immédiatement et intégralement mon argent.!   Il n’y aura pas de suite.

– S’il refuse, Gaétan, lui envoie son tapeur pour lui casser ses dents avec un fer à béton.                                                         .   
– S’il refuse encore et toujours, le tuer et l’immerger avec un bloc de 
béton dans la baie de Port Louis!!

Lorsqu’il énumère devant moi, ces trois solutions que je ne pouvais décemment pas accepter, je pensais que la dernière n’était qu’une plaisanterie. Mais Gaétan me précise :” Bertrand si je t’indique l’endroit où je fais immerger mes ennemis, tu y verras de nombreux blocs de béton bien nettoyés par les requins…” Et il était sérieux! J’y suis allé, j’ai tout vu ».

Seconde anecdote: « Un soir je fus invité à une grande soirée chez lui dans le Nord à Grand Gaube ou il possède une belle propriété en bord de mer. Grand cavalier et propriétaire de chevaux, il se fait amener en milieu de la soirée, un magnifique cheval noir lustré et brillant et il s’adonne à des gestes pour le moins déplacés, mettant sa tête entre les fesses du cheval et le gavant de mots doux et triviaux. Tout cela au grand dam de certains de ses invités peu habitués aux habitudes du Ministre du Tourisme.

Une de mes amies me demande si j’allais rester au-delà de minuit, heure à laquelle la soirée allait changer de ton…! ” Curieux je suis resté encore un peu. Pour constater que toutes les personnes encore présentes, dont des diplomates et autres personnalités, se sont mises à poil,  commençant à se poursuivre en criant et rigolant , pour se livrer à des jeux pornographiques. Me voyant encore habillé on m’a enjoint de me mettre en tenue adéquate, sinon de quitter la soirée. Particulièrement écœuré, je me suis donc éclipsé.  

Je fus aussi invité à la réception donnée, à l’ambassade de France, en l’honneur de François Mitterrand en visite à Maurice! A notre arrivée, nous nous alignons dans la file des invités pour les salutations d’usage.  A mon nom, Mitterrand avise l’un de ses secrétaires : « Il ne me semble pas connaitre ce gentleman!  Expliquez-moi! » Prenant les devants, je lui indique que, bien que francophone j’étais suisse et non français.                                         !                                        
Cause entendue…” Bonne soirée monsieur Du Pasquier “. »

Bon, comme on a travaillé au même endroit dans l’humanitaire sur la crise Hutus/Tutsi on peut en parler ensemble. Il m’a raconté la suite des évènements: Uvira lieu du détachement opérationnel du HCR, est prise par les troupes de Laurent Désiré Kabila ; puis Bukavu, capitale du Sud-Kivu.

Après que les camps de réfugiés de la plaine de la Ruzizi (ceux dont j’avais la charge) aient été tous anéantis, il fallait faire traverser le lac Tanganyika aux survivants pour les mettre à l’abri en Tanzanie. Ainsi lui, Bertrand, était à Baraka (ville au bord du lac) le Field Officer[1] du HCR en charge des opérations d’enregistrement et d’embarquement des réfugiés. Responsable donc des opérations de rapatriements, administration, finance, coordination, nourriture, communication avec les ONG, négociations avec les autorités locales, recrutement du personnel local, organisation des convois, protection et réinstallation des réfugiés.                                  .       

Voilà ma réaction : “Si j’ai bien compris tout a été anéanti dans la vallée de la Ruzizi : les bureaux de notre Field Office à Uvira , les vingt camps de réfugiés le long de la Ruzizi.  Les réfugiés ont été tous massacrés ; seuls quelques-uns qui se sont enfuis dans la forêt. N’était-ce pas là, le fameux projet Tutsi, dont Ricardo l’ingénieur hydraulicien qui m’avait précédé, avait eu vent, et qu’il se proposait de dénoncer au HCR ? Ce qui lui avait coûté la vie, au cours d’un attentat à Bujumbura, ainsi qu’à plusieurs de ces collègues du HCR. Quant à moi, une fois encore, j’avais eu la chance d’arriver peu après cet attentat et un an après de finir ma mission, peu avant le massacre marquant la revanche des Tutsis, dans les camps des hutus, le long de la Ruzizi.                              . 
Bon, c’est l’heure de passer à table, je voulais inviter les gazelles, mais elles avaient disparu… 

Arrivés au dessert, Bertrand m’explique qu’il est à nouveau en mission pour le HCR à Goz-Beida, un petit bled à la frontière du Tchad et du Soudan.   Il est actuellement en repos, et pour lui rendre service je vais l’héberger dans une des chambres de la grande maison, que Sofrigo loue pour moi. Il aura donc le temps de me raconter ses aventures de mercenaire, baroudeur de l’humanitaire. Et des aventures, il en a à revendre. 

Atterrissage à Gaz Beida

Les aventures de Bertrand Du Pasquier.                                 .
Il avait été auparavant chef de la délégation locale du HCR à Mokhtar (Ex-Yougoslavie). Et à ce titre, responsables des réfugiés de tout bord, serbes et croates. Position difficile à tenir. Aussi s’y est-il fait de nombreux ennemis. En témoigne un mail qu’il m’a adressé en 2012 et que je reproduis ici: “Je suis malgré moi sur Google et sur Wiki suite à ma mission en ex Yougoslavie… j’y ai lu pas mal de conneries dites à mon insu, et sur le HCR lequel m’a demandé d’intervenir sur le net sur ces serveurs !                                Et je me suis retrouvé comme témoin dans le procès de Milosevic par le Tribunal de la Haye! Je m’en serais bien passé vu que peut être mes anciens amis musulmans de Bosnie voudraient me faire la peau un jour! J’ai même reçu des menaces de mort! Donc ma vie n’aura pas été un fleuve tranquille…

Enlevé à Mostar.                               .
Il me raconte, pendant le repas, comment il a été enlevé à Mostar, avec l’intrusion dans son bureau de trois encagoulés de la bande des tigres d’Arkan, qui l’entraînent le pistolet sur la tempe, dans leur voiture. Ils sortent de la ville, et s’engagent dans une route déserte qui serpente dans la montagne et la forêt. Destination inconnue, mais des menaces hostiles pendant le voyage, et toujours ce pistolet…tant et si bien, qu’il est convaincu qu’il va être exécuté. Il est prêt à tout pour sauver sa vie. Profitant d’un arrêt ( le chauffeur va satisfaire ses besoins), il ouvre la porte et plonge dans la pente du talus qui borde la route. Puis il dévale la pente tout droit dans la forêt, tentant d’éviter dans l’obscurité les troncs, les branches, et les rochers…et ceci pendant quelques minutes jusqu’à atteindre une rivière qui coule en contre-bas. Il se planque, allongé dans le lit de la rivière, l’eau est glacée, mais avec le stress il ne s’en rend pas compte. Le temps passe. Le temps de remarquer que ses bourreaux le recherchent, mais ne parviennent pas à le retrouver; il fait nuit noire. Il les entend remonter et finalement claquer les portières et démarrer la voiture, qui parait s’éloigner. Par sécurité il va rester encore un moment tapi dans la rivière. Il me dit qu’il était resté dans l’eau glacée, mais qu’il n’avait rien senti.
 Après il redescend vers Mokhtar, mais il a peur qu’on revienne le chercher. Et aussi peur des meutes de chiens errants. Enfin, ça se passe bien, et il atteint Mokhtar au lever du jour. Son évacuation par avion est organisée le jour même par le HCR. Direction Genève.                              .

Peu après il s’engage comme volontaire des Nations Unies pour le HCR: mandat au Congo Kinshasa (ex Zaïre) premièrement à Kahemba, province du Bandundu, pour rapatrier les réfugiés angolais…et ensuite à Baraka, au bord du lac Tanganyika pour rapatrier réfugiés congolais de la Tanzanie…et ensuite le voilà, ici devant moi, au Tchad.                                 .                                           

Mission Mokhtar 1993-UNHCR.                               – 
Responsable régional en Bosnie Herze Govie,  je reçois un jour, un appel du maire de Trebeniej,  petite ville dans le territoire pris par les serbes à la Bosnie( conflit 1992-1994) ; le maire m’informe qu’il allait vider un quartier entier de sa population musulmane ( bosniaque), estimée à 1000 individus. Cela pour les remplacer par des serbes bien sûr! Me disant que si le HCR ne venait pas les chercher le plus vite possible, lui n’hésiterai pas à employer d’autres solutions radicales pour les éliminer !                              ! 
Immédiatement, j’ai pris les devants et suis parti avec l’un de mes collègues, suédois, rejoindre cette bourgade! Du fait du front entre les serbes et la BiH, nous avons dû contourner via Dubrovnik, traverser la frontière entre la Croatie et le Monténégro…très belle route côtière surtout au Monténégro dans un décor de mer et monta- gnes…Après plusieurs heures de route, nous sommes arrivés au bureau du Maire pour entamer notre négociation en vue de cette évacuation !  Au cours de la discussion, ce Maire, sorte de gorille aux larges épaules et grandes mains, gueule cruelle et peu avenante, nous dit être très fier d’ avoir écrit un mode d’emploi intitulé : ”Comment faire mourir avec douleurs et tortures des enfants musulmans”! De plus il nous précise que sa plus grande joie est d’enfoncer ses pouces dans les orbites des enfants…quelle horreur!! Moi, lui demandant s’ il avait des enfants? Lui me répondant bien sûr, certainement, mais me précisant des enfants serbes, pas des musulmans…Lors des négociations pour les évacuations, il ne parlait pas de musulmans mais de cloportes à éliminer! Et finalement, après d’âpres discussions, nous décrochons son autorisation pour l’évacuation de toute la population musulmane! Pour la petite histoire, ce maire aujourd’hui chef d’une entreprise de transport est toujours libre et en vie !  Alors qu’il  devrait être arrêté et jeté en  prison!

Rwanda
Après le massacre des Tutsis par les Hutus, pendant la progression jusqu’à Kigali de l’armée levée par la diaspora Tutsi réfugiée en Ouganda, je fus nommé au consulat de suisse à Kigali. Le Rwanda bénéficie de longue date, de la coopération bilatérale de la Suisse pour son développement, avec l’organisation de nombreuses missions d’expatriés: logistique, construction, hydraulique, agriculture, médecine…etc. L’ambassade de la Confédération Helvétique et les organisations internationales (Nations Unies, Croix Rouge, ..etc.) sont situées, à proximité des ministères et du Palais Présidentiel, au sommet de la principale colline qui domine Kigali. Non loin de “l’hôtel des 1000 collines” (ou des 1000 copines ?) où ont eu lieu les évacuations des étrangers lors du début des massacres…et au final plus de 1 millions de victimes !                               !
J’ai pris acte de la collusion de la France, de la Belgique et même de l’Église catholique, soutenant largement les Utus génocidaires.

…Logeant dans une maison de l’ambassade, j’apprends que cette même maison a servi de studio à Radio Hirondelle appelée sinistre- ment Radio des Milles Collines,  cofinancée par la Suisse, cette dernière informant les génocidaires des positions des tutsis…                 
Lors d’un exposé en but d’expliquer la politique de mon pays dans l’aide au Rwanda, je me suis aperçu d’une ligne rouge a plus d’un mètre du sol faisant le tour de la salle d’une communauté religieuse catholique nous ayant invité! Demandant à la Mère de cette communauté le pourquoi de cette ligne, elle m’a répondu que cette ligne marquait le niveau du sang répandu des victimes tutsis massacrées dans cette même salle.

Sans vouloir trop polémiquer, je voudrais rapporter aux lecteurs qu’en Suisse nous avons plusieurs communautés linguistiques, allemandes, françaises, italiennes et romanches! De ce fait, dans notre capitale nos fonctionnaires du gouvernement parlent tous exclusivement l’allemand voire le suisse allemand! La plupart des Suisses romans, parlant le français (Genève, Lausanne, Neuchâtel, etc.) ne parlent ni ne comprennent le suisse allemand et souvent on nous reproche d’être des “faux suisses”!                                !
Lors de mon arrivée à Kigali, notre chargé d’affaires m’a reproché de ne pas parler le suisse allemand et regrette que notre ministère n’ait pas envoyé un “vrai suisse” alors que tout le personnel expatrié était d’origine allemande! ”Ma position linguistique m’a couté par la suite d’être remplacé par un collègue “plus suisse que moi“”…Je suis rentré en Suisse et reparti en mission pour le HCR….

Une anecdote amusante.                           :
Lors d’une mission en Zambie pour le compte d’un accord tripartite soit UNHCR/ LWF/ Home Affairs, je fus responsable, à a la frontière avec le Congo et l’Angola d’une population dépassant les 30.000 refugiés, victimes des combats entre l’UNITA et le MPLA en Angola. Le but du projet était d’intégrer cette population dans l’économie locale : agriculture, reforestation, pisciculture et autres. L’emprise de ce projet s’étendait sur un territoire équivalent au canton de Genève. Nous portions assistance à de multiples villages tous reliés par des routes, ainsi que deux grandes écoles, deux hôpitaux.

Notre base comprenait, bureaux, garage et stocks de nourriture sous hangar…Je passe sur les détails de ma vie professionnelle pour en venir à ce qui suit.                             : 
J’ai reçu un jour la visite du n° 1 du UNHCR, ex-ministre du Danemark, Poul Hartling, avec son état-major et journalistes qui venaient visiter mon projet! Cette délégation était accompagnée par le Ministre de l’Intérieur et son cabinet…Alors que les visiteurs soit du HCR soit de Genève étaient vêtus sportivement, les africains du Ministère étaient tous en costume cravate et souliers cirés! tous avaient leurs propres appareils photos de grandes marques, téléobjectifs, etc…                                    .

Dans la journée, en pleine brousse, ou sur les pistes, les villages et les champs, nous étions tous couverts de poussière, vêtements et matériel compris.   J’avais moi-même un appareil photo  Nikormat pouvant prendre des photos aussi sous l’eau…Alors que je passais près d’une fontaine, j’ai plongé mon appareil dans l’eau pour le nettoyer…le Ministre qui me suivait, voyant le blanc nettoyant son appareil dans l’eau, a plongé son magnifique Nikon avec télé objectif pour faire de même! Évidemment cet appareil n’était pas fait pour aller dans l’eau!!  Trop tard! Je n’avais pas eu le temps de le prévenir… et dans notre cortège d’autorités, tous voyant cela ont été pris d’un fou rire généralisé, et moi de même! Personne n’a eu l’audace d’instruire de cet incident fâcheux, Monsieur le Ministre, élégant et très fier de son appareil ! J’imagine sa surprise une fois rentré à Lusaka, lors de l’ouverture de son appareil pour développer son film. De fait, je n’ai jamais entendu le moindre commentaire de sa part, malgré mes entretiens mensuels avec lui! 

Détournement d’avion.

Durant les années 1980, j’étais directeur résident du bureau technique d’une des plus grandes compagnies de produits chimiques mondiales de l’époque: Ciba-Geigy SA basée à Bâle en Suisse. En charge du marketing pour tous les secteurs d’activités : pharma, la bio, produits traitements agricoles, colorants, plastiques et additifs. Cependant je résidais avec ma famille à Tripoli! Et ce fait, je devais maintenir, à distance, le contact journalier avec ma boîte et mes responsables de secteurs pour suivre le cours de leurs affaires.                                    
Un beau jour, me parvient, vers 9 heures un appel du Siège de Bâle me convoquant à un meeting en Suisse, le jour même à midi. Mon interlocuteur me précise qu’un Lear jet de la Cie , m’attendait d’ores et déjà sur l’aéroport de Tripoli. Trois heures plus tard, je me présente à l’heure à la réunion. Á l’issue de laquelle j’apprends que mon retour n’est prévu que lundi prochain, après le week-end. Et nous n’étions que vendredi. J’ai donc passé le weekend à Bale dans l’attente de mon retour. Le vol régulier sur Tripoli prendrait 3 heures. Ce lundi c’était la Lycian, avec un Boeing moyen-courrier de 200 passagers! environ! En alternance, Swissair ou Lycian Air Line. L’avion était complet, la plupart des passagers étant des représentants partant en mission pour leurs compagnies respectives. J’embarque donc, au petit matin, le lundi 7 décembre 1981. 1…Aujourd’hui, c’est mon anniversaire et mon épouse organise ce soir une petite fête entre amis…Par la pensée, j’y suis déjà. Peu de temps après le décollage, une musique douce dans l’habitacle, quelques passagers quittent leurs sièges, pour aller aux toilettes, tandis que les hôtesses s’activent pour servir les petits déjeuners. Une bonne odeur de café chaud se répand dans la cabine Soudain très agités, trois jeunes gens courent vers l’avant dans le couloir; puis subitement notre commandant de bord fait une déclaration nous informant que notre avion était tombé aux mains de trois pirates de l’air et détourné sur Beyrouth!! D’abord personne ne semblait vraiment prendre cela au sérieux, et moi-même je pensais que c’était du cinéma !                                 ! 
Comment ce qui arrive aux autres, pourrait-il nous arriver a nous!? Seulement voilà! Les trois pirates s’emparent du micro et déclarent être membres du mouvement chiite Amal. Stupéfaction générale et peur…qu’allions nous subir ? A l’approche près de Beyrouth, nouvelle annonce: La piste d’atterrissage est bloquée et nous est interdite. De plus notre commandant de bord annonce que faute de carburant il doit envisager d’amerrir dans la baie de Beyrouth! Et il nous faire savoir que jamais, au grand jamais, il n’a jamais fait cela avant ! 
Donc préparation pour amerrissage, décompte des gilets de sauvetage (il était d’usage que des libyens quittent l’avion avec leur gilet, le pensant inclus dans le prix du billet).

Finalement et fort heureusement, notre pilote a pris la décision d’atterrir sur un taxiway sans autorisation et donc sans dispositif

de sécurité! Tout se passe bien, et bien vite nous sommes entourés par des militaires; la porte s’ouvre et des commandos entrent lourdement armés, avec grenades, mitraillettes et mitrailleuse! Ceux-ci appartiennent au mouvement Amal et viennent remplacer les trois autres pirates! Annonce-nous est faite: notre avion est détourné dans le but de nous échanger contre le leader du mouvement Amal, l’Iman Sadr, capturé par Kadhafi ! Départ pour une destination inconnue. Le même jour…atterrissage à Chypre et par la suite à Athènes, puis Rome, Beyrouth, Téhéran, Re-Beyrouth, et finalement Damas. Chaque fois vol de nuit, bloqué le jour pour négociations et carburant! l’avion entouré par des militaires couchés sur le tarmac et nous tenant en joug. Pendant nos escales forcées, nous devions tenir fermés tous les hublots, les lumières éteintes, plus rien à manger mis à part des biscuits et quelques soft drink chauds…                                    …   
Mon hublot ne fermant pas, j’ai eu la chance de pouvoir observer l’extérieur de l’intérieur et d’ informer le reste des passagers. ! A Téhéran, nous fûmes entourés par les “fous de Dieu” prêts à nous faire sauter!                                  ! 
Une passagère libyenne, enceinte, a demandé à sortir pour être soignée. Elle n’aurait jamais regagné la Lybie par la suite ! Un français, voulant pactiser, s’est vu conduit à une porte un pistolet dans la bouche, pour y être exécuter! Nous avons pu le sortir de cette histoire! Il habite Annecy et est devenu, depuis un excellent ami ! A Rome, notre avion est passé juste au-dessus du Vatican, très bas; je voyais les prêtres lire leur missel dans le parc…certainement très surpris de voir un avion dans une zone interdite de tout survol ! Vu l’échec de l’échange, les pirates ont voulu tous nous faire sauter avec l’avion.  Connaissant le Liban pour y avoir travaillé avec le CICR (Comité International de la Croix Rouge), j’ai pu négocier avec les pirates pour rester en vie et les faire renoncera leur projet funeste. Notre détournement a pris fin à Damas le vendredi de la même semaine, les pirates étant sortis “librement” .                      .

La plupart des passagers ont regagné leur pays d’origine. Les libyens avec leur gilet de sauvetage… mais moi j’ai dû repartir avec le même avion afin de revenir à Tripoli rejoindre ma famille ! La soirée de mon anniversaire a enfin pu avoir lieu, avec une semaine de retard. Durant lesquelles j’avais pris, quant à moi, facilement une année de plus.

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